Plutôt bon film de Delphine Gleize, qui porte son attention sur une maladie rare, et ce du point de vue d'un malade, donc, Romain, enfant de la lune parmi quelques rares autres, impossibilité lui étant de vivre sous le soleil et ses UV. Le scénario est absolument original, et tout est là pour bien faire : partir d'une singularité négative, d'une exception, d'un phénomène rare pour aborder comme latéralement des problèmes plus généraux, ceux de la vie courante, de l'amour, de la sexualité, de l'adolescence, des liens parentaux... Parce que quand même, cette maladie des enfants XP offre, sur le plan des idées, quelque chose d'intéressant, je veux dire un pur renversement de polarités : tout le quotidien habituel, polarisé par la lumière, le jour, le soleil, la vie sociale en somme, tout cela est valorisé à l'envers, en négatif : l'enfant de la lune est contraint à la nuit, à l'obscurité et à la solitude. Et tout ça de manière non choisie, évidemment, rien à voir avec une sorte de romantisme lyrique ou encore avec un satanisme gothisant. Ici, la nuit ce n'est pas le fruit poétique qu'un sujet créateur et souverain viendrait goûter librement, c'est la Loi, c'est la Règle, c'est le seul espace-temps envisageable. Le soleil, s'il n'est pas contourné, s'il n'est pas refroidi par astuce ou technique, c'est la mort. Et la permission de minuit, c'est un titre absolument mal fondé, ou ironique, mais alors assez triste : parce que l'enfant de la lune n'a pas la permission, mais l'obligation de minuit. Sur tout ça, cependant et outre le titre, le film voit juste, et ne donne pas dans l'exagération, en explicitant bien cette singularité avec des scènes très simples et très justes.
Au-delà de ça, La permission de minuit décide de traiter du lien médecin-malade, dont on sait quelle importance il a dans toute prétention thérapeutique, psychiatrique, médicale ou psychanalytique. Là encore, je crois, le film aborde bien le renversement auquel il veut parvenir : alors que depuis plus d'un siècle la relation médecin-malade est condamnée et critiquée pour tout le réseau de pouvoir qu'elle représente, symbolise et fait perdurer (critique classique de l'institution médicale doublée de l'asymétrisme de droit entre le médecin et le malade), le film décide de contourner cette critique habituelle et de rentrer, là encore, de biais : entre le médecin, David (Lindon) et le malade, s'instaure non pas une asymétrie du côté du médecin, mais presque du côté du malade : c'est Romain qui aide davantage David, que David Romain (puisque bien sûr, Romain est incurable). Le film développe donc une sorte de relation affective entre les deux persos, jusqu'à une substitution partielle du lien paternel, puisque le père bio de Romain s'est barré. Et là encore, je trouve, le film n'en fait pas des couches, en montrant (mais peut-être un peu trop) davantage les embarras et les craintes de David face à Romain, que les peurs de Romain face à la mort. Cela dit, tout cela est bien nuancé, donc ça passe (notamment par la très bonne prestation de Lindon et de Quentin Challal, le gamin). Mais ce fait que David paraisse plus dépendant de Romain que l'inverse, c'est pas mal du tout.
Bon maintenant les points noirs du film, parce que faut pas déconner, j'ai pas mal creusé pour trouver du bon : d'abord, des débuts de réflexion pas assez poussées, notamment sur la lumière, avec quelques efforts de faits, mais pas assez (après tout, c'est une maladie de la lumière : on aurait pu avoir un gros travail sur les jeux de lumières, sur les obscurités, je ne sais pas moi), aussi sur l'espace, puisque la maladie en question oppose aussi le cloisonnement aux grands espaces. On a l'impression que tout ça est posé, certes mais sans vraiment d'application... Et puis, tout de même, un rythme loin de passionner les foules, et de faire adhérer le spectateur. C'est un sujet grave, si on veut, c'est un film français, si on veut, mais ça n'empêche pas de ne pas être mou... Et puis, je n'ai pas du tout aimé Devos, qui nous ressort son jeu habituel, son rire bêtasse et ses yeux ovins... Et puis côté son, rien de bien palpitant. Bref, comme d'hab, aucune folie, on veut nous faire comprendre la gravité du monde avec la lenteur et la sobriété de l'image... Pfff
Bref, tout juste la moyenne, dans la lignée d'Angèle et Tony... Dommage, avec un sujet pareil, il y a moyen d'arracher une petite larme. Mais enfin... 11/20.
Et bien sûr, toutes les critiques sur le Tching's cine :
http://tchingscine.over-blog.com/