La première séquence nous plonge au cœur du sujet. Cyril, bientôt 12 ans, petit animal rebelle à tout raisonnement, s'obstine à vouloir appeler son père. Le disque répétant en boucle que le numéro n'est plus attribué devrait suffire à le convaincre que celui-ci a disparu. Mais ça ne lui suffit pas. Malgré son sujet difficile, Le gamin au vélo est un film qui fait du bien, un peu comme si les frères Dardenne nous faisaient découvrir le soleil. Admirablement écrit, intelligent, subtil, jamais misérabiliste, Le gamin au vélo ne juge pas et ne fait pas non plus dans la démonstration. Il se présente alors comme l'antidote nécessaire d'un monde qui ne cesse d'humilier et de culpabiliser les exclus. Sous son titre désuet, il nous conte avec une étonnante simplicité le roman d'apprentissage de ce gamin à qui rien n'a vraiment réussi. Face à lui, Samantha propose une figure maternelle constante et juste, sans que l'on sache ce qui la motive à s'inventer mère de substitution. C'est ça le cinéma des Dardenne, des êtres humains qui se confrontent, se débattent, cherchent une épaule sur laquelle se reposer. Qu'un seul vous montre de l'intérêt et tout change. Parfait dans le fond et dans l'écriture, Le gamin au vélo l'est tout autant dans l'interprétation. Face au jeune Thomas Doret, juste de bout en bout, Cécile de France trouve certainement le plus beau rôle de sa carrière. Au service des cinéastes, déterminée et douce, ferme et fragile, vecteur d'espoir et de lumière, elle offre toute son humanité à Samantha. Fidèle à ceux qui l'on découvert, Jérémie Rénier campe un personnage difficile avec toute la finesse de son grand talent. En deux scènes, il nous bouleverse. Après tant de louanges, on ne peut cependant s'empêcher de regretter que les Dardenne ne cherchent pas davantage à travailler leur mise en scène. Uniquement utilitaire, au seul service de l'histoire qu'ils racontent, elle ne possède pas le souffle, qui permet par exemple à Andrea Arnold de magnifier des récits proches de ceux des frères belges. Alors que la cinéaste britannique transcende ses sujets par le cinéma, les Dardenne ne s'appuient que sur la force de leur propos pour séduire. C'est évidemment suffisant, mais on en voudrait encore plus.