Au final, l’impression est en demi-teintes et pourrait être résumée dans une promesse pas complètement tenue. Delphine et Muriel Coulin suivent avec empathie et tendresse le gynécée adolescent – les jeunes interprètes toutes plus jolies les unes que les autres ont toute une présence incontestable à l’écran. Filmées à la fois en groupe mais aussi dans la solitude de leur chambre, sorte de cellule protectrice à l’écart du monde des parents, les lycéennes échafaudent de manière réfléchie et intelligente leur curieux projet jusqu’à provoquer la stupeur de leur entourage, ce qui donne prétexte à une scène croustillante de réunion de profs où chacun(e) y va de son avis.
 l’actif du film, outre son casting, il faut mettre la qualité de la photo, de la lumière et des cadres. La caméra serre au plus près visages et ventres en plein épanouissement des jeunes filles, mais elle capte tout aussi bien la géométrie rectiligne et déshumanisée de la ville portuaire avec les motifs récurrents de la ligne brisée. La ville bretonne détruite durant la Seconde guerre mondiale, puis reconstruite sans inventivité, devient le miroir et le réceptacle de la vacuité existentielle des adolescentes, même si elles ne la perçoivent ou la verbalisent pas forcément. Néanmoins, 17 filles évite judicieusement l’écueil psychologique, se refusant à identifier ou expliciter les motifs des agissements des lycéennes, si tant est d’ailleurs qu’ils existent.
Le film se déroule dès lors comme l’exposition détaillée des étapes du dessein collectif, qui soude autant les adolescentes qu’il les isole. Mais en décollant de plus en plus du réel le programme du groupe et en ne lui associant aucun enjeu politique, 17 filles finit par s’ensabler dans les plages de la ville, territoire attitré des retrouvailles et des fêtes nocturnes, faute de parvenir à dépasser le strict périmètre de la vie quotidienne des mères en devenir. Du coup, le projet fou s’aplatit comme une crêpe pour se réduire à un caprice, voire un délire, d’ados irresponsables – la consommation de tabac, de cannabis et d’alcool plaide hélas pour cette option.
S’il existe sans conteste un regard et un talent à filmer chez les sœurs Coulin, il est moins probant qu’elles soient en mesure de tenir la distance, comme si elles se retrouvaient empêtrées d’un scénario inapte à se développer, occasionnant des séquences agréables (la leçon de conduite, notamment), mais inutiles au récit qui s’éparpille peu à peu. Bien sûr, l’ombre tutélaire de Sofia Coppola (Virgin Suicides) plane mais on pense aussi à Naissance des pieuvres de Céline Sciamma qui offrait un traitement plus singulier. Ici, on frôle parfois la facilité dans la répétition paresseuse de plans esthétisants, témoignant encore une fois d’une certaine qualité formelle de l’ensemble.