Avant de commencer à lire cet article, sachez que l’auteur de ces lignes n’a pas lu les livres de Stieg Larsson et n’a pas vu les adaptations suédoises qui ont déjà été réalisées auparavant. Je pars donc avec un avis complètement vierge sur l’univers de Millenium. Il n y aura donc aucun jeu de comparaison entre le film réalisé par Fincher, le livre et les adaptations précédemment réalisées.
Introduction :
Depuis Zodiac, Fincher tire une tout autre quintessence du savoir faire qu’on lui connait en terme de technique, de mise en scène et de narration. Une faculté unique et encore plus aboutie qu’auparavant pour mettre en place des univers différents mais toujours avec un travail de « fourmi » colossale. Cela dit, Millenium est bien loin d’atteindre les nombreuses qualités d’un Social Network et il est d’ailleurs assez surprenant que le réalisateur ce soit passé des talents d’Aaron Sorkin pour l’adaptation d’un univers comme celui de Millenium.
Feeling Cold :
En effet là ou la technique de Millenium est irréprochable, il n’en ai pas toujours de même pour ce qui est de la mince part d’émotion qu’il peut susciter à de trop rares moments chez le spectateur surtout durant la première heure. Sans doute la faute à un scénario qui ne laisse pas aux personnages et aux situations, plus de temps qu'il n'en faut pour réellement ce poser. Les intentions du réalisateur sont pourtant louables et il est vrai que les 2h40 filent vraiment à toute vitesse, jamais nous n’avons vraiment le temps de nous ennuyer dans Millenium, mais en contre-partie, l'implication, le processus d’identification, peinent vraiment à prendre corps dans cet univers ou le débit d’information est considérable. Le rythme en devient alors mécanique, parfois répétitif, les séquences s’enchaînent et s’imbriquent machinalement les unes derrières les autres comme des perles sur un collier. Même les séquences difficiles et viscérales notamment avec Lisbeth ne prennent qu’à moitié puisqu’elles se retrouvent tronquées et alternées par l’enquête menée par le personnage du journaliste (interprété par Daniel Craig) ou Fincher à l’air de considérablement moins prendre son pied. Heureusement, une petite impulsion émotionnelle jaillit une fois que Mikael & Lisbeth sont enfin réunis. Si l’enquête à laquelle ils se rattachent est toujours aussi « sommaire » on ne peut s’empêcher de ressentir quelque chose pour ces personnages. Le tempo de Millenium diffère et s’élève, un souffle nouveau se fait sentir et une forme d’empathie peut enfin naitre.
Il est amusant d'être témoin d'une forme de cohésion entre deux caractères si différents, à travers le partage de leur sentiments communs. C'est bien ici que réside le véritable intérêt de Millenium, que le spectateur peut, au terme d'une bonne heure, apprécier. L’interprétation de Rooney Mara y est forcément pour beaucoup et l’on sent bien que c’est elle qui intéresse principalement le réalisateur. C’est bien Lisbeth qui jouit des plus gros tours de force. A travers cette relation Fincher rend son film humain et le public trouve, grâce à elle, un point d’encrage parfait auquel il peut se rattacher. On finit par accepter l’avalanche d’informations et la complexité de l'œuvre car on peut tout simplement avoir le sentiments de « prendre part » et de « participer ». Dans ce personnage, Fincher retrouve bien la représentation d’une image Féminine obsessionnelle qu’il a en lui. Il est intéressant de voir que dans ses précédents films, ses personnages féminins sont la plupart du temps très masculins. Elles se révèlent bien souvent plus fortes que l’homme incarnant de manière symbolique une liberté qu’elles ont toujours finit par obtenir dans la souffrance. Remake utile ou pas, quoi qu’on en dise, Millenium pour Fincher c’était tout simplement une évidence.
Réalisation :
Hormis un générique d’intro certes très bien fichue mais complètement hors de propos, (à croire que David Fincher veut décidément ne pas oublier d’où il vient) c’est toujours en bon élève qu’il nous livre une copie (très) soignée, pensée et techniquement parfaitement bien travaillée. Chaque plan, chaque teinte, chaque geste est calculé et millimétré. Nous savons tous l’intransigeance de l’auteur et sa méthode de travail très difficile qui contraint les acteurs à donner le meilleurs d’eux mêmes quitte à rejouer la scène plus de 150 fois s'il le faut. L’univers de Millenium est parfait pour ce scientifique à l’impact visuel toujours pus fort, toujours plus explicite et ingénieux. Les scènes entre Lisbeth et Nils, son nouveau tuteur légal sont violentes et il est vrai, d’une terrible brutalité. L’effet « coup de poing » fonctionne toujours lorsque le réalisateur d’Alien 3 s’attaque à ce genre de défi. De même que pour les séquences de jeu toujours au carré. A travers l'œil de Fincher, pratiquement chaque objet ou mouvement que réalisent ses personnages sont logiques, à leurs places et prennent constamment part à sa narration. BREF, de ce côté là il n y aura définitivement rien à ajouter, Fincher n’est plus un réalisateur de cinéma à proprement parlé. Avec Millenium c’est en véritable « Architecte » du cinéma qu’il s’impose, comme s' il s’agissait d’un scientifique commençant tout juste à trouver la formule presque parfaite. Presque oui, car à force de (trop ?) prendre le temps de soigner, complexifier et densifier sa petite vitrine le réalisateur perd parfois effectivement notre implication et accessoirement notre attention (le même syndrome qui planait déjà sur Zodiac). Il n’est pas non plus aidé par le fait que l’enquête de Millenium manque cruellement d’enjeu et semble au finale n’être qu’un prétexte pour réunir Mikael & Lisbeth.
La composition est elle aussi, toujours un élément important dans les films de l’auteur. Et c’est bien Trent Reznor & Atticus Ross qui sont aux manettes, pourtant jamais le duo gagnant de Social Network ne parvient à nous prendre aux tripes. Une fois sortie de la salle aucun thèmes, aucune notes ne viennent nous interpeller. On attendez beaucoup de la bande originale de Millenium et il est étonnant de voir à quel point celle-ci nous parait aussi « transparente » à l’arrivée.
Conclusion :
FINALEMENT, que dire si ce n’est que l’on peut être fatalement déçu par la dernière œuvre du réalisateur de Fight Club. Ce premier chapitre ce pose inévitablement comme une rampe de lancement obligatoire visant à utiliser l’enquête pour nous présenter puis poser ce magnifique duo de couple en devenir. C’est justement ici que l’on peut y constater les limites du format cinéma. Peut-être fallait-il à ce premier chapitre une durée plus longue pour que Fincher prenne le temps de rendre son film un tout petit peu moins linéaire et rapide, car on sent parfois qu’il faut allez « vite » pour joindre le point A au point B. Les 40 dernières minutes après la révélation du tueur sont assez représentatives du problème lié à la durée du format cinéma. Espérons que la version longue voulue à la base par le réalisateur voit le jour. Certes, on ne pourra jamais reprocher au réalisateur son manque de sérieux et d’implication dans pratiquement tous les choix qu’il entreprend seulement dans Millenium, ce à quoi se rattache ces deux personnages, à savoir l’enquête, prend une place importante entre les deux ! Et il a beau être « tout Fincher » qu’il est, son savoir faire n’arrive pourtant pas suffisamment à nous donner envie de nous impliquer dans cette sombre histoire familiale. Le spectateur a plus d’une fois l’impression d’être rattrapé en cours de route et d’être tenu fermement par la main. Comme si il s’agissait d’une visite mais d’une visite ultra guidé ou les émotions qui nous submergent se font bien trop rares. Fincher nous permet pourtant à ces différents instants d’une part, de voyager un minimum seul sans être sur des rails et d’autre part de prendre le temps de nous attacher encore un peu plus à ses personnages. Le chimiste n’est pas loin de trouver la combinaison parfaite et il pourra sans aucun doute le faire dans le prochain volet qui sera normalement davantage consacré à une enquête menée dès le départ par ce petit couple atypique.
Rédigé par Vincent N.Van du groupe Madealone