2005, les librairies suédoises accueillaient ce qui allait devenir un véritable best-seller, une trilogie peu ordinaire : Millénium. Très vite adaptés au cinéma dans leurs pays natifs, les trois romans de Stieg Larson ont connu un succès inattendu bien au-delà des frontières scandinaves. Trois ans après leur première adaptation sur grand écran, Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander sont de retour dans les salles obscures à l'occasion d'un remake américain, et pas n'importe quel remake. Si ce genre de relectures extrêmement rapides prennent vie la plupart du temps pour surfer sur le succès commercial de la version originale, Millénium possède un argument de taille imparable : David Fincher, ni plus ni moins que l'un des maîtres du thriller moderne. Si la vision d'un Seven ou d'un Zodiac suffit à dévoiler le génie incontestable du cinéaste en matière de mise en scène, celle de sa version personnelle de Millénium s'avère tout simplement bluffante. Dés le générique d'introduction, le style et l'esthétique sombre de Fincher nous en met plein les yeux, sur un fond musical envoûtant de rock désarticulé, de loin l'un des meilleurs génériques de film de l'année. Sombre, glacial, dérangeant et parfois même fascinant, le remake s'avère clairement l'une des plus grandes oeuvres du réalisateur. Celui-ci prouve d'ailleurs une nouvelle fois qu'il sait s'entourer, le choix des acteurs principaux était notamment crucial pour la réussite de cette nouvelle version, et particulièrement délicat lorsqu'il s'agit de passer après une Noomi Rapace inoubliable dans le personnage principal féminin du film. Rooney Mara lui succède, et parvient à notre plus grande surprise à faire totalement oublier la prestation de la précédente Lisbeth Salander, de loin le visage le plus fascinant de Millénium, un personnage très obscur, difficile à cerner, une fille atypique à la fois mystérieuse, attachante, et littéralement fascinante. On se surprends même à attendre ses apparitions plus que celles des autres, des apparitions qui amèneront la plupart des scènes les plus éprouvantes du film. Daniel Craig complète quant à lui le duo, incarnant un Mikael Blomkvist intelligent et posé, et sa sobriété à toute épreuve est un véritable atout, en parfaite adéquation avec la classe et le charisme permanent de la mise en scène et de la photographie de Fincher. Encore plus que l'oeuvre originale, cette adaptation se concentre donc avant tout sur ses personnages à la psychologie décortiquée, et à leurs relations, qui évoluent dans une ambiance froide, presque austère, tout en nous maintenant suspendus à leurs moindres paroles et à leurs moindres gestes. Millénium : les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes ne se contente donc pas d'être une petite prouesse technique, c'est aussi un film très psychologique, qui arrive à avoir un réel impact sur ses spectateurs et crée le malaise avec une sobriété déconcertante, en nous emmenant vers les zones les plus sombres et les moins glorieuses de l'humanité de certains personnages, sans chercher à nous épargner le moins du monde. Les paysages enneigés et brumeux dans lesquels le film prends vie instaurent de leur côté aussi cette atmosphère indescriptible qui nous captive, des profondeurs de l'enquête et des recherches, jusqu'aux scènes les plus sombres dans lesquelles le thriller prends enfin toute son ampleur, quitte à user nos nerfs de spectateurs. En somme, Millénium : Les Hommes qui n'aimaient pas les Femmes second cru parvient à surpasser son adaptation précédente, en passant d'une classique et très conventionnelle mise en scène à une véritable claque cinématographique, complexe, esthétique et réellement passionnante, mettant d'autant plus en valeur le scénario si riche sorti de l'imagination de Stieg Larson. Fincher prête attention au moindre détail, rien n'est laissé au hasard, qu'il s'agisse des couleurs qu'il donne à son image, comme de sa bande-originale parfaite. Millénium revisité en ressort magnifié. Un coup de maître à plus d'un titre.