Woody Allen n’est pas le seul réalisateur à sortir au moins un film par an. Nous avons également ce cher Clint Eastwood (bien qu’il n’ait rien fait courant 2013), acteur de renommée qui s’est dévoilé être, au cours de ces dernières décennies, un cinéaste de talent, livrant des longs-métrages devenus incontournables (dont les récents Million Dollar Baby, Lettres d’Iwo Jima et Gran Torino). Depuis quelques temps, « l’homme touche à tout » qu’il est n’a pas caché quelques signes de faiblesses (les séquences de rugby dans Invictus, le film Au-Delà). Ce biopic est l’occasion pour lui de revenir en grande forme dans les mœurs, les critiques et le box-office (pour ceux qui ne voient que cela comme réussite pour un long-métrage) !
Le film explore la vie publique et privée d’une des figures les plus puissantes et énigmatiques des États-Unis durant le XXe siècle. Celle de J. Edgar Hoover (Leonardo DiCaprio), cet homme qui a fondé le célèbre bureau d’investigation qu’est le FBI, afin de faire régner la loi et l’ordre dans tout le pays, de combattre la criminalité mais également l’ennemi communiste. Celle d’un individu à la fois craint et admiré, prêt à tout pour sa patrie au point d’aller jusqu’à sortir de la légalité. Celle d’une personne qui gardait sous clé bien des secrets, afin de protéger son image, sa carrière et donc sa vie. Comme sa relation extra-professionnelle avec son second, Clyde Tolson (Armie Hammer).
Le scénariste de Harvey Milk (Dustin Lance Black) décide d’attaquer ce biopic comme d’autres prédécesseurs, à savoir raconter son histoire en ne respectant aucune chronologie (comme La Môme) et non de manière linéaire. Ainsi, nous passons d’un moment où nous avons le personnage de J. Edgar vieux pour, au plan suivant, passer à sa version plus jeune. Un procédé de montage qui peut en distraire plus d’un, voire les désintéresser du film, si celui-ci n’est pas justifié dans le scénario. Et dans J. Edgar, cela est utilisé brillamment (bien que de manière classique), notre protagoniste, voyant ces derniers jours arriver, qui entamant l’écriture de ses mémoires (par le biais d’un autre agent), lui permettant de revenir sur certaines années passées. Mais en faisant cela, le scénariste ne se contente pas de dévoiler les faits et gestes du personnage. Il va même jusqu’à nous faire découvrir quel homme était Hoover. Pas par des scènes intimistes qui auraient alourdi l’ensemble. Mais plutôt en insistant sur certains détails des séquences d’intérêt. Afin de mettre en valeur le caractère, la personnalité et les pensées du personnage, tout en restant dans la suggestion (et sans jamais se perdre dans des séquences inutiles ajoutées au film juste pour prouver). Comme quoi, pas besoin d’étirer son scénario pour travailler un protagoniste ! De plus, le film se termine sur une sorte de twist (je ne vous gâche pas la surprise) qui renforce justement cette fameuse personnalité d’Edgar Hoover tant citée dans le long-métrage. Bref, le script est plus intelligent et travaillé qu’il n’y paraît. Un bon point !
Et avec Clint Eastwood à la mise en scène, le rendu final n’en est que plus alléchant. Le réalisateur, âgé alors de 81 ans, offre à son film une classe folle. En donnant du temps à la narration de se faire, pour ne pas perdre le spectateur ni le travail de son scénariste. En offrant une bande originale agréable à écouter, signée par lui-même. En abordant son long-métrage avec une photographie très visuelle (sombre, grisâtre), pour surligner le coté intimiste et ancien (l’histoire du film se déroulant des années 20 aux années 70) de l’ensemble. En filmant avec amour ses comédiens, notamment Leonardo DiCaprio, totalement habité par le personnage (que ce soit avec ou sans prothèses faciales) et qui peut compter en Armie Hammer et Naomi Watts, des partenaires de choix. En clair, si je devais résumer J. Edgar en un seul mot, cela serait sans doute « classe » qui me viendrait tout de suite à l’esprit !
Et pourtant, malgré toutes ses qualités énoncées, le film de Clint laisse un goût amer une fois le générique de fin commencé. Comme si nous avions assisté à un programme pédagogique que nous sommes prêts à oublier une fois sortis de la salle. La faute déjà au statut de biopic du film. En effet, le piège de ce genre de long-métrage est de ne toucher qu’une partie du public, des spectateurs préférant éviter d’aller le voir car n’étant pas concernés par l’histoire de ce personnage. Pour apprécier J. Edgar, il faut donc déjà s’intéresser un minimum à certains points, que sont la carrière des personnalités ayant bossé sur ce film (Clint Eastwood, Lenoardo DiCaprio…) et surtout l’histoire du protagoniste qui nous est ici racontée. Sans ces critères, difficile de se plonger dans le film, qui risque du coup de paraître lent et ennuyeux.
D’ailleurs, J. Edgar souffre de l’habitude qu’à Clint de livrer des films qui font plus de 2h (ici, il est question de 2h15). Une durée qui n’est nullement adaptée pour ce film, qui prend alors son temps à raconter son histoire, mais de manière parfois excessive. Donnant l’impression que certains passages on été inutilement étirés. Ajoutez à cela ce qui a été énoncé dans le paragraphe précédent ainsi que la mise en scène qui, si elle se montre classe, alourdi malheureusement ce constat, vous obtenez un film monotone et lent, trop lent. De ce fait, nous nous retrouvons finalement avec un long-métrage certes travaillés scénaristiquement et visuellement, mais qui perd de son intérêt au fur et à mesure que les minutes s’écoulent. Vraiment dommage…
Résultat mitigé donc pour ce J. Edgar, qui confirme néanmoins le talent qu’a Clint Eastwood pour réaliser des films. Et montrant au passage à quel point il est honteux que ce cher Leonardo DiCaprio échappe une nouvelle fois à l’obtention (voire la nomination pour ce cas-ci) de l’Oscar du Meilleur acteur. Mais une monotonie trop prononcée et des longueurs qui se font excessivement ressentir auront raison du film. Attention, je ne dis pas que J. Edgar est un mauvais film ! Je dirais même qu’il s’agit d’un bon biopic, comme il est si rare d’en voir (surtout en cette période où ce genre de film est devenu une mode). Juste que Clint nous avait habitués à mieux, à plus entraînant… et beaucoup plus inoubliable.