Le nouveau Clint Eastwood est assez inégal, loin d'être parfait comme ont pu l'être même certains de ses films récents, Gran Torino en tête, mais il m'a séduite.
Et voilà qui me rassure parce qu'avec ses deux derniers films pas franchement folichons, j'avais peur que le bon vieux Clint ne soit plus qu'un vieux Clint pas si bon. Mais c'est assez drôle, c'est la première fois que je vois beaucoup de défauts dans un film d'Eastwood mais que je suis malgré tout quasi totalement conquise. D'habitude, quand j'adore un de ses films, je l'adore dans sa totalité.
Alors que dire sur J.Edgar ? Finalement c'est une oeuvre qui a du charme, comme si elle était le fruit du travail d'un débutant prometteur. Il y a des choses qui m'ont beaucoup faite tiquer, surtout sur la première heure : des longueurs (comme dans pas mal de biopics cela dit), un maquillage vraiment pas tip top (la version vieillie de Naomi Watts est celle qui s'en sort le mieux, Mais Harmie Hammer en sénior a tout simplement l'air de porter un -mauvais- masque tellement la transformation manque de crédibilité), un débit de parole de Dicaprio qui, s'il est très impressionnant, rend néanmoins la narration difficile à suivre -comme si la complexité de l'histoire ne suffisait pas-, et surtout, la présence de Naomi Watts (avec qui j'ai vraiment du mal).
Alors bon sur la première heure je me disais "Ouais bon, trop de défauts, trop long, et trop difficile à suivre. C'est pas mal foutu et le jeu sur la narration parallèle -et la façon dont sont présentés successivement les différents dactylos qui tapent l'histoire- est intéressant et subtile mais rien qui casse 3 pattes à un canard, c'est un film 3 étoiles quoi".
Et puis, une fois l'intrigue installée, quand on commence à rentrer dans la psychologie du personnage, à comprendre que derrière cette fusée de la parole il y a un type paumé, dans le refoulement permanent, qui se traine une sorte de complexe d'Oedipe et une mère castratrice (si l'on peut dire ça comme ça), là, j'ai senti qu'on n'était pas dans la biopic plate. Là, le film se lance, on se prend d'intérêt pour J.Edgar, on interprète ses attitudes, on se fait une idée sur ce qui peut le ronger... Bref, on dépasse le stade du descriptif et on rentre dans l'analyse.
Alors oui c'est un peu le passage obligé de chaque biopic et c'en est peut-être cliché, le fait de montrer la face "sombre et cachée" de ces étoiles montantes, et à quel point ils peuvent être torturés dans leur vie personnelle, mais j'ai trouvé qu'il y avait une telle maîtrise derrière... Eastwood réussit à mon goût bien mieux ici que dans Bird, dans lequel les longueurs ne sont pas compensées par une maîtrise particulièrement excellente de la narration.
La dernière heure est donc fascinante, la narration n'est en plus pas confuse et les parallèles sont cohérents. L'histoire d'amour inavouée et brisée est belle et a le mérite de ne pas être lourde pour autant -malgré quelques scènes un peu mielleuses sur les bords comme celle de la bagarre qui vire en baiser-, elle prend aux tripes les dernières minutes
(si l'on oublie la scène de la découverte du cadavre dans la chambre, qui vire hélas au pathos)
. J'ai lâché ma larme alors que je pensais ne vraiment pas être partie pour... La présence des dactylos prend aussi tout son sens sur la fin, au moment où cet amour trop longtemps renié éclate. Il se passe alors ce genre de moments que j'adore dans le cinéma -car inculte que j'étais, je ne savais rien de la vie de M. Hoover avant ce film- où l'on s'aperçoit qu'on s'est fait berner en même temps que les protagonistes (les dactylos ici), où il y a une mise en abyme du mensonge.
Voilà pourquoi pour moi, la deuxième partie du film, bien que moins longue que la deuxième, peut le hisser au rang de petite pépite et montre que Clint Eastwood n'a pas dit son dernier mot. Je ne me suis pas attardée sur le fond mais sans cautionner les actes de l'homme, son histoire n'en reste pas moins très intéressante, et c'est aussi une bonne occasion de s'instruire. Et j'allais oublier, mais Dicaprio délivre une prestation incroyable. Un film avec des défauts mais dont je tire paradoxalement un avis hyper positif et enthousiaste. à voir.