Avec King Arthur: Legend of the Sword, Guy Ritchie prouve plus que jamais qu'il est un peu une version britannique de Zack Snyder. Déjà parce qu'il attire un nombre assez conséquent de détracteurs dû à son style hyper-visuel mais en plus il partage avec son homologue américain ce goût pour l’excentricité de l'image et de l'iconisation de ses figures. Après un début de carrière impeccable avec deux films désormais culte, Ritchie c'était ensuite laissé fourvoyé dans le ridicule Swept Away, une comédie romantique à la gloire de son ex-femme Madonna, et le vaniteux Revolver qui à bien failli enterrer tout le potentiel du cinéaste. Depuis ce passage à vide, Guy Ritchie n'a jamais retrouvé le niveau qualitatif de ses premiers films. Son RocknRolla était une resucée sympathique de ces derniers, ses deux Sherlock Holmes était des divertissements honnêtes mais pas transcendant et c'est son classieux The Man from U.N.C.L.E. qui a finalement crée la surprise en emmenant son style dans une autre direction. Avec son nouveau film, Ritchie veut clairement se faire une place dans le paysage des blockbusters et il veut s'y inscrire dans le temps car son King Arthur à pour ambition de mettre en place une saga d'heroic fantasy qui se déroulera sur pas moins de six films. Mais c'est sans compter des critiques assassines et d'un flop annoncé au box office. L'heroic fantasy n'a plus sa place dans le paysage cinématographique actuel, entre les films de super-héros en tout genre et où l'époque est résolument tourné vers la science-fiction en terme de gros divertissement.
Pourtant, King Arthur: Legend of the Sword semble être un film profondément mal jugé. Principalement par la complexité apparente de son scénario qui ne fait aucun effort pour accompagner le spectateur au sein de son univers. Basé très librement sur les légendes arthuriennes, il modifie l'origin story de son héros, arrondit certains angles et laisse une bonne partie des personnages emblématiques de côté. Ici pas de Merlin, Guenièvre ou de Lancelot. Le mage présent dans l'histoire est probablement Morgane mais même là, le film se fait un malin plaisir à ne jamais mentionné son nom. Beaucoup pourrait y voir un film qui ne fait aucun efforts et préfère partir du principe que le spectateur connait parfaitement les légendes arthuriennes mais en vérité, celui-ci s'en désintéresse complètement. Ce que veut faire Ritchie, c'est avant tout réadapter le personnage à son cinéma. Il n'y a qu'à voir la séquence où Arthur s'aventure dans les Terres Obscures, qui est ici expédié dans un montage croisé plein de fougue alors que d'autres aurait probablement pris le temps d'en faire un gros morceau beaucoup plus posé au sein du film. Ritchie accélère le rythme sur les passages plus concrets des légendes car son intérêt est autre.
Dans une époque où les fans biberonés à la pop culture sont intransigeants avec les libertés prisent sur les mythes qu'ils ont contribué à ériger, le choix s'avère couillu mais comme toujours lorsque l'on modifie un tel mythe, l’accueil fut glacial. Car le "fan" sera en quête de changement mais sera paradoxalement incapable de l'accepter une fois face à lui, tournant en ridicule et piétinant chaque tentatives. Après le film n'est pas parfait, en dehors de l'affrontement entre Arthur et son oncle, et la mise en place de son héros le scénario néglige un peu le reste. Les personnages secondaires sont pour la plupart des stéréotypes qui n'évoluent pas et le tout refuse la moindre trace d'émotions. Ici pas de romance ni d'enjeux émotionnels plus intimes ou lorsque que le récit tente d'en mettre ils sont si peut travaillés au préalable qu'ils tombent totalement à plat. Au final, le seul personnage pour qui l'on aura un minimum d'attachant sera Arthur, qui est ici un véritable héros ritchien. Dans le dialogue, la caractérisation des personnages et cette vulgarité typique du sale gosse britannique qu'il est, on ressent la patte du cinéaste dans les moindre recoins et il signe un revival du King Arthur comme il l'avait fait pour Sherlock Holmes. Il le modernise et le dépoussière avec savoir-faire, même si le style ne plaira pas à tous, on ne peut nier qu'on est face à un film qui à du caractère et de la personnalité, même de manière bien plus tranchée que les Sherlock de Ritchie. Mais aussi moderne apparaît-il sur la forme, ce King Arthur est un film d'une époque révolue. Même si à la fin il pose les fondations d'une suite, il le fait sur un accomplissement et non sur une porte ouverte putassière. On est face à un film qui a un début et une fin, qui résout toute ses interrogations et qui se suffit à lui-même. Même si ceux qui ont aimé seront probablement conquis à l'idée d'une suite, mais si celle-ci ne devait jamais advenir, on aurait quand même une oeuvre qui n'en deviendrait pas frustrante car elle à d'abord pensé à elle avant de penser à son avenir. Chose que l'on voit de moins en moins dans les blockbusters actuels.
Néanmoins, il faut reconnaître qu'ici le récit est des plus classiques avec une narration qui ne brille pas par son originalité, mais ce que signe Ritchie ici est avant tout une expérience sensorielle. C'est la manière dont il met en images cette histoire qui impressionne le plus et qui alimente en plus des ruptures de tons audacieuses et qui flirte parfois avec l'expérimental. Ne serait-ce que la manière d'ouvrir le récit, avec une exposition qui manie habilement l'ellipse et les non-dits. Les dix premières minutes font comprendre en peu de mots, seulement avec des successions d'images, les enjeux, les antagonistes et les rivalités qui résideront dans le film. On comprends les motivations des personnages avec aisance sans qu'elles soit explicitées et le tout abouti à un générique qui expédie brillamment la mort d'un personnage avec d’entraîner à un montage frénétique qui voit l'ascension du méchant au pouvoir ainsi que la vie chaotique du héros qui grandit dans un bordel. Dix minutes qui font preuve d'une science du storytelling absolument virtuose. Et tout le reste sera de cet acabit avec un montage hargneux et maîtrisée dans la pure tradition de Guy Ritchie et d'une mise en scène fluide qui jongle habilement entre la fresque épique plus posée à travers quelques plans majestueux mais aussi le film de street plus énervé à la Ritchie avec une caméra plus dans l'action, proche des acteurs ou avec des plans aériens à base de zoom/dézoom pour passer d'une action à une autre qui n'est pas sans rappeler le style de Snyder par moments. Notamment dans le dernier acte où Ritchie use des effets spéciaux dans l'action comme ce dernier, avec une caméra qui suite les coups au centre de l'affrontement et retransmet la puissance de ceux-ci. Mais sur ce point, le résultat est un peu plus brouillon que ce que fait Snyder dans le domaine, faute à des effets spéciaux un peu trop visibles et une bouillonnement à l'écran un brin indigeste.
La direction artistique est ici très emprunt à une certaine esthétique de jeu vidéo, on pensera fortement à Dark Souls dans le design du méchant qui fait office de boss final tandis que pour ce qui est des décors on est dans quelque chose de très médiévales lorgnant par moment du côté de Lord of the Rings. Sur ce plan, le film n'est pas très inventif mais le tout se tient très bien, l'univers paraît concret et le film à une ampleur et une fougue que ne renierait pas des ténors comme le Conan de John Milius ou l'Excalibur de John Boorman. Le film préférant souvent les décors naturels pour donner de la substance à son récit plutôt que de succomber à un tout numérique. Chose que l'on voit de moins en moins en terme d'heroic fantasy. Après la photographie ne rendra pas forcément honneur à l'ensemble, celle-ci étant un peu terne mais on se met surtout à voyagé grâce au score mémorable de Daniel Pemberton qui signe une musique au accent celtique, à la fois épique et étrange dans son utilisation de la respiration comme d'instrument à vents. D'ailleurs, au niveau du son, il y a un travail assez énorme fait sur la respiration, transmettant toute la fureur de la mise en scène avec un film qui donne souvent la sensation de venir des tripes, d'être constamment en haleine. C'est d'ailleurs plutôt bien souligné par la très bonne performance de Charlie Hunnam, qui donne une puissance assez folle à son personnage. Intense et charismatique, il apporte une couche d'émotion à l'ensemble avec une dignité imparable. Il fait même de l'ombre à un Jude Law qui s'amuse très clairement en méchant de service mais qui apparaît quand même en petite forme.
King Arthur: Legend of the Sword est une réussite alors que l'on pouvait craindre le pire quand à l’excentricité du projet et du cinéaste derrière. Néanmoins, on a un film qui non seulement se suffit à lui-même, mais qui en plus se marie parfaitement avec le style de Guy Ritchie. Pour pleinement l'apprécié, il faut faire abstraction des légendes arthuriennes et se laisser guider par la version proposée. Le scénario reste classique et manque de substances dans ces personnages ou certains ressorts émotionnels mais il va droit au but et le fait avec toute la hargne de la mise en scène. Au final, King Arthur: Legend of the Sword s'apparente à une expérience sensorielle généreuse par sa fureur et son authenticité. Car malgré un final qui cède un peu trop aux effets spéciaux, on a un film qui se donne les moyens d'avoir une ampleur visuelle et qui se donne du mal quand il aurait pu céder à la facilité. Avec son montage expert, son casting impeccable dominé par un Charlie Hunnam en grande forme, et la BO fantastique de Daniel Pemberton, qui s'impose comme une des meilleures de l'année pour le moment, on a affaire à un des meilleurs films d'heroic fantasy de la décennie. Dans une époque où le genre est négligé, King Arthur: Legend of the Sword apparaît comme une bouffée de fraîcheur agréable et qui bénéficie de quelque chose qui se perd, du caractère.