Quand David rencontre Goliath :
Le thème de lutte du petit contre un système qui le dépasse est récurrent dans l’œuvre de Mihaileanu.
Dans Train de vie (1998), le fou d’un village juif avait l’idée d’organiser un faux train de déportation pour échapper à l’oppression nazie.
Dans Le concert (2009), c’était un chef d’orchestre déchu par la dictature russe qui défiait l’institution qu’est l’orchestre du Bolchoï, en faisant passer ses anciens musiciens et lui-même pour le véritable orchestre à l’occasion d’un concert à Paris.
La source des femmes se base lui sur une histoire vraie et ce sera cette jeune mariée, Leila, qui se mettra en tête de défier l’oppression de la tradition coranique, rien que cela…
Les stratagèmes mis en place par les protagonistes de ces films pour arriver à leur fin sont toujours inattendus et amusants.
De nouveau, le cinéaste explore la grande Histoire à travers les espoirs fous des « petites » gens.
Pourtant, tous sont au service d’une grande cause, d’un combat contre une institution profondément enracinée, que le cinéaste explore à travers le prisme des luttes de ces « petites » gens.
Quand on lui pose la question, Radu Mihaileanu évoque son déracinement, ni vraiment Roumain, ni complètement Français ; ainsi que son père qui dût changer de nom de famille pour échapper aux nazis.
Explorer la grande histoire à travers la petite est une méthode de narration certes connue, mais non moins efficace.
Comment ne pas s’identifier à ces personnages qui, pour s’affranchir de leur vie, décident de se lancer dans une entreprise aussi folle que désespérée ?
La culture au service de l’émancipation :
Le nœud du film se joue autour de l’accès à la culture.
C’est la femme la plus cultivée du village qui sera l’instigatrice de cette grève de l’amour. En toute logique, elle est l’épouse de l’instituteur (seul homme lettré du village), qui ramène l’unique salaire du village. Ce dernier est le seul homme à soutenir son combat.
En contraste, des hommes du village furieux, aux bureaucrates prônant le non progrès, en passant par l’imam qui s’appuie sur le Coran, le reste de la gente masculine est présentée comme rétrograde, ou inculte. Prisonniers tous autant qu’ils sont de l’unique modèle traditionnel dans lequel ils ont grandit.
Notre esprit de spectateur occidental peut trouver cela caricatural et manichéen, mais c’est malheureusement le reflet d’une triste réalité encore d’actualité.
Symbole de cette culture salut contre l’obscurantisme : ces lampes frontales qu’on utilise la nuit ou dans des cachettes, dont la lumière transperce le noir pour lire et écrire.
La lumière de la connaissance, une image simple, métaphorique. Simplement belle.
Voyage au centre d’un village:
La difficulté des films traitant de sujets sociaux réside en cela qu’il faut que le spectateur puisse se sentir concerné par le sujet.
A contrario des grosses productions Hollywoodiennes, dont nous sommes ici aux antipodes, on ne peut espérer accrocher le spectateur grâce à un rythme soutenu.
Il faut une histoire solide et des personnages avec qui nous allons avoir envie de passer deux heures de notre vie.
« Le travail de cadrage et de photographie apportent une grande proximité avec les habitants du village. »
Radu Mihaileanu et son directeur de la photographie ne s’y trompent pas, et nous plongent littéralement au cœur de ce village. A peine dix minutes après le début du film, on a l’impression de l’avoir toujours habité et de partager tout les moments intimes de la vie des habitants.
Cela passe par la présence d’une caméra toujours portée, jamais posée loin sur un trépied. On filme les visages magnifiques de ces femmes (aaah Leila Bekhti…), leurs mains, leurs pieds, leurs costumes aux couleurs sublimes, ce qui nous fait nous sentir d’autant plus présents dans les scènes.
La beauté est appuyée par le peu de maquillage que portent les actrices et le tournage effectué entièrement en décors naturels.
Contrairement à ce que pourrait faire craindre son sujet, ce film n’est ni grave ni tendu.
Il est paisible, calme et drôle. A l’image de ces femmes.
Leur gai désespoir est celui des personnes dont le salut réside dans leur capacité à continuer à rire. Nombreuses sont les situations hilarantes qui apportent des respirations dans les moments de gravité.
Une très belle plongée colorée au cœur d’un village typique et de la vie de ses habitants.
Quand la lumière se rallume, on ne ressort pas de la salle, on repart du village, rafraîchis par cette eau symbole d’amour, et simplement sereins.
Beau travail Mr Mihaileanu.