Non, cette nouvelle version de ‘Simetierre’ n’est pas intrinsèquement ratée. A l’échelle du cinéma d’épouvante américain, elle est même d’un niveau assez correct ; en tout cas, elle fait plus peur et dégage une atmosphère plus malsaine que la majeure partie de la production locale (ce qui n’est franchement pas difficile, pour être tout à fait complet). En revanche, pour tous ceux qui considèrent le bouquin comme une des plus grandes réussites de Stephen King, et son adaptation très littérale comme un des films d’épouvante les plus marquants de leur jeunesse, je ne vois pas comment il serait possible d’éprouver autre chose qu’une immense déception. C’est simple : plus vous avez aimé l’adaptation de Mary Lambert de 1989, d’une telle fidélité au roman qu’elle faisait oublier sa facture téléfilmesque, moins vous serez convaincu par ce remake. Pour avoir lu leur interview avant la sortie du film, il semble que les deux réalisateurs aient pêché par orgueil, pensant sincèrement pouvoir modifier ça et là de nombreux détails du scénario, puis carrément renverser un de ses pivots centraux. Dans le premier cas, les changements sont anodins mais chacun d’eux, plutôt que d’améliorer l’expérience, enlève une brique à l’édifice horrifique...et comme les modifications sont nombreuses, elles finissent par détériorer l’atmosphère générale du film : par exemple, la relation entre le père Creed et Jud Crandall est plus sommaire, la première mise en garde vis-à-vis du cimetière micmac est ouvertement présentée comme onirique avec le recours à un portail, tandis les scènes avec la soeur malade de Rachel Creed se font vite oublier alors qu’elles m’avaient traumatisé pendant des années dans l’ancienne version. Pour ce qui est de la modification d’importance, je ne vous en dévoilerai pas la teneur mais malheureusement, elle ne sert en rien non plus. Je comprends parfaitement ce que les réalisateurs et scénaristes avaient en tête, la piste qu’ils souhaitaient explorer mais cela ne fonctionne vraiment pas, en tout cas, cela dépouille ‘Simetierre’ de ce qu’il pouvait avoir d’unique : d’une histoire absolument terrifiante sur la perte d’un enfant, le refus du deuil et l’impossibilité de la résilience, Simetierre est devenu quelque chose de plus banal, même si les éléments en question ont quand même été maintenus dans la nouvelle version. Les gars, soyons clairs : on ne se mesure pas à Stephen King : quand il écrit un roman, il écrit en même temps à quoi doit ressembler son adaptation au cinéma et quels sont les éléments qui doivent y figurer, c’est à dire tous, dans la mesure du possible. King écrit déjà pour le cinéma, même s’il ne le sait pas. Estimer qu’on sait mieux que lui ce fait l’efficacité de l’horreur est juste une forme avancée d’arrogance imbécile.