Je n'ai rien oublié est une adaptation du roman Small World de Martin Suter. Bruno Chiche, le réalisateur, revient sur le processus de transformation du livre en scénario : "Il y avait en effet de quoi faire plusieurs films à partir de «Small World». Il y a de toute manière plusieurs façons d’adapter un roman. Soit on le recopie, soit on décide de le refermer une fois pour toutes et d’utiliser ce que sa mémoire a sélectionné pour créer une intrigue à partir de l’histoire du roman. Et c’est cette option que j’ai choisie."
A l'origine de Je n'ai rien oublié se trouve le roman Small World, pour lequel Bruno Chiche a eu un véritable coup de cœur : "J’ai d’abord été emporté par sa face romanesque née de ce personnage de Conrad entre deux mondes : le monde réel et son monde imaginaire. Puis j’ai été passionné par le secret qui sous-tend cette histoire et transforme ce roman en thriller familial." Pourtant, l'adaptation de ce livre n'a pas été une évidence pour le réalisateur qu'il imaginait impossible. Ce n'est que plus tard, en se replongeant dans la lecture de l'œuvre, qu'il y a pensé : "Je me suis mis à l’annoter, bref à commencer à réfléchir à une éventuelle adaptation. C’était une envie inexplicable, presque animale. Mon producteur Nicolas Duval avait certes acheté les droits du livre. Mais je n’envisageais pas de le porter moi-même à l’écran. Ce projet s’est en fait imposé à moi."
Avec un sujet tel que la maladie d'Alzheimer, ne pas tomber dans le pathos relevait du défi : "Je n’avais pas envie de montrer cette maladie comme un documentariste", témoigne le réalisateur. "J’ai préféré raconter les effets étranges de cette maladie qui fait remonter à la surface de ceux qui en sont atteints, les souvenirs sans doute les plus importants de leur vie. Et, pour éviter de sombrer dans le pathos, j’ai souhaité que l’émotion passe en permanence par le filtre des personnages qui entourent Conrad : certains touchés par lui, d’autres agacés par sa présence. Je n'ai rien oublié n’est donc pas construit sur une note unique de compassion, le mystère qui entoure son intrigue entraîne le spectateur vers ailleurs."
Je n'ai rien oublié a reçu le Prix Cinéma 2011 de la Fondation Diane et Lucien Barrière, dont le but est d'encourager les nouveaux talents et de faciliter leur notoriété.
Danielle Darrieux a été un temps pressentie pour le rôle d'Elvira, tenu finalement par Françoise Fabian. De même, Marina Hands a été remplacée par Alexandra Maria Lara, qui interprète Simone.
Bruno Chiche revient sur sa collaboration avec Gérard Depardieu, dont la réputation ne le rassurait pas au départ: "J’avais très peur de tourner avec lui. C’est un homme que l’on disait très imprévisible dans ses comportements, ça peut effrayer, surtout quelqu’un comme moi qui n’a pas tourné beaucoup de films." Il ajoute : "Jamais il ne m’a fait sentir le poids de son immense carrière. Il a eu la délicatesse de ne jamais me dire «Ecoute mon petit bonhomme, j’ai tourné avec Truffaut, Pialat, Ridley Scott, alors ce n’est pas toi qui va m’expliquer…». Non, Depardieu a l’humilité de grands bonshommes qui vous donnent de la confiance. Il est en ce sens, d’une grande élégance."
Alexandra Maria Lara, actrice roumaine révélée par La Chute et Control, incarne une jeune femme qui fait la connaissance de sa belle-famille après son mariage. Un rôle d'étrangère qui n'est pas sans rappeler la situation de la comédienne, comme l'explique Bruno Chiche : "J’aimais l’idée que ce soit une étrangère, elle interprète une jeune femme qui cherche à trouver ses marques dans cette famille, comme une étrangère cherche à s’adapter au pays dans lequel elle arrive." Niels Arestrup ajoute : "Il est toujours délicat de ne pas jouer dans sa langue, comme elle s’y emploie ici. Et Alexandra avait donc fort logiquement quelques peurs particulières avant de se lancer dans cette aventure, mais l’intensité de son regard fait tout passer. Elle fait partie de ces actrices qui ont cette particularité rare de pouvoir totalement être dans une situation tout en ouvrant, avec ses seuls yeux, d’autres chemins et d’autres fenêtres qui ne sont pas dans le texte."
Bruno Chiche a déjà dirigé Nathalie Baye dans son 1er long-métrage, Barnie et ses petites contrariétés. L'actrice retrouve également Gérard Depardieu qu'elle connaît bien puisque c'est la 6e fois qu'ils partagent l'affiche, après La Dernière Femme, Le Retour de Martin Guerre, Rive droite, rive gauche, La Machine et Michou d'Auber ! Je n'ai rien oublié réunit par ailleurs Gérard Depardieu et Alexandra Maria Lara pour la 2e fois après la mini-série Napoléon.
Bruno Chiche a fait appel à Klaus Badelt pour composer la musique de Je n'ai rien oublié : "Évidemment, quand on traite de la maladie, il est aisé de faire accompagner son récit par une musique émouvante et riche en violons mais je voulais éviter cette facilité. J’ai donc expliqué à Klaus que je rêvais d’une musique qui pourrait être celle que se joue Conrad dans sa tête; et il l’a immédiatement compris. (...) Et le résultat est vraiment très beau : une musique discrète qui vous envahit, sans que vous ne vous en rendiez compte." C'est à ce compositeur allemand que l'on doit entre autres les musiques de Pirates des Caraïbes : la Malédiction du Black Pearl et de K-19 : le piège des profondeurs. Il a aussi collaboré avec Hans Zimmer sur les musiques additionnelles de Gladiator et La Ligne rouge. Également courtisé par le cinéma français, il a par exemple signé les bandes-originales de Pour elle et A bout portant de Fred Cavayé.
Bruno Chiche décrit Je n'ai rien oublié comme son film le plus personnel : "Cela peut sembler curieux car il s’agit d’une adaptation. Mais quand j’emploie le mot personnel, il faut le comprendre comme personnel par rapport au regard que je peux porter sur les gens." Il ajoute : "Ce n’est pas un hasard si j’ai fait ce film à la quarantaine un peu passée, à un âge où l’on prend conscience de son passé et où l’on essaie de recoller tant bien que mal les pièces de son propre puzzle. Quand on est adolescent, on envoie valdinguer son passé, on ne veut conjuguer la vie qu’au futur. Mais à 40 ans, nos souvenirs d’enfance, la place de nos parents, nos erreurs, nos regrets comme nos joies reviennent sonner à la porte. (...) On a tendance à parfois se mentir à soi-même. Mais il y a un jour où la vérité éclate, inéluctablement. Et ce jour-là, on a envie d’en faire un film."
Pour l'atmosphère visuelle de son film, Bruno Chiche et son producteur et ami Nicolas Duval ont voulu faire un film "large, visuel, en scope, d’autant plus qu’il s’agit d’un thriller psychologique relativement intimiste. Même si la forme du film est relativement classique, je voulais que l’écrin de cette histoire soit élégant." L'une des influences ont été les films de James Ivory que le réalisateur a visionné avec son chef opérateur : "Thomas Hardmeier a travaillé dans des tonalités chaudes avec beaucoup de subtilité. Il ne fallait pas faire du beau pour du beau, l’esthétique et la technique sont au service de l’histoire. (...) Quant aux flash-back qui parsèment le récit : j’ai voulu un traitement qui ne soit ni en sépia, ni en noir et blanc, mais qui corresponde à ce qui se passe dans la tête de Conrad dans ces moments où ces images redéfilent dans sa mémoire. Une vision légèrement décalée et tordue de cette réalité d’hier."