On aime Téchiné, sa manière de filmer, de construire ses films, de mêler les textures, on aime ses personnages romanesques, avec leur passé trouble, à vif, qui interfère fatalement, empoisonne le présent, bloquent les élans, les possibilités fiévreuses, les rencontres improbables, bouleverse les destins. Les heurs, les bonheurs, les malheurs, les saisons d'André Téchiné... Tant pis pour les autres ! Cette séquence de Mélanie Thierry, croquant une pomme sur une balançoire, la bouche pleine, qui pouffe de sarcasme devant son père... la séquence muette, mais subliminale de Jérémie jouant avec son jeune chien. Les images de vidéosurveillance lors des parloirs en prison. La longue séquence de mariage vénitien de la fille du vigneron. Les images d'archives en noir et blanc d'Adriana ASTI. La statue de Poséidon qui préside à tout ça, sans mot dire ; on croit les Dieux pétrifiés, mais ils sont bien là, présents... Beaucoup de dialogue en italien. Bref, un Téchiné mineur, certes, mais le frisson quand même. Et Venise, filmée par quelqu'un qui connait intimement la ville ; depuis Guy Debord, plus aucun cinéaste n'avait fait de travelling sur certains de ces canaux, ces murs, ces briques, et qui ne donnent qu'une envie : d'y retourner encore et encore