Combien de films ont apporté une véritable révolution technologique, visuelle et/ou narrative ? Une poignée, un seul par décennie tout au plus. Et bien à cette poignée, dont le dernier en date se nommait Avatar (mais restait très vague dans le scénario) , vient s’ajouter Gravity. Un film qui constitue un jalon essentiel dans l’histoire, une porte ouverte sur l’avenir et une expérience qui ne fait appel qu’à la grammaire du cinéma dans tout ce qu’elle a de plus pur pour permettre au spectateur de vivre quelque chose d’unique. Et pourtant, le spectateur ne peut ressentir qu'une petite déception en sortant de la salle, tout en ayant été balayé des yeux par une mise en scène et des décors révolutionnaires. En effet, Gravity offre décor plus vrai que nature pour des personnages qui le sont tout autant, que la mise en scène sublime en un éclair. La caméra ultra mobile d’Alfonso Cuaron entame un ballet vertigineux, frôle le métal et la chair dans les combinaisons, s’égare comme émerveillée par les visions hypnotisantes de la Terre vue d’en haut et du cosmos, puis continue sa danse. Le film démarre donc vraiment très fort, avec un plan d’ouverture, magistral, qui permet à la fois de poser les enjeux dramatiques du film, l’évolution de son mouvement étant intimement liée aux événements par son accélération dès que sonne l’alerte, mais également de définir en profondeur les personnages. A savoir un astronaute expérimenté jovial, et une débutante dans l'exercice qui démontre clairement un mal-être profond. Cependant, Cuaron semble vite les oublier, et laisse place à un survival qui ne propose rien de bien rénovant, si ce n'est les décors, splendides. Alors que jusqu’à aujourd’hui, la référence en terme d’images spatiales restait 2001, l’odyssée de l’espace, Gravity vient imposer son hyper réalisme et risque de s’installer à cette place pour longtemps. Jamais l’espace n’avait été aussi beau au cinéma, jamais la sensation d’y être projeté n’avait été si forte. C'est là que le film trouve vraiment son intérêt. On ressent le danger, ce danger dans l’espace est silencieux, les catastrophes s’y enchaînent dans un silence de mort et le spectateur se retrouve forcé à repenser sa position en scrutant le cadre dans la peur d’un débris, propulsé encore un peu plus dans la peau des personnages. Gravity provoque l’effroi car le film élabore une nouvelle grammaire cinématographique, brisant à peu près tous les repères habituels du cinéma. Un exemple frappant est ce plan pendant lequel un personnage dévisse un boulon qui lui échappe, tend sa main pour le rattraper tout en tournant son regard qui aperçoit tout à coup un nouveau danger en approche, ou encore les plans à la première personne o on est à la place du personnage. C’est d’une efficacité terrible. Mais après ? Que dire ? Et bien, pas grand-chose.. Les quêtes de son être propre, le survival, le final hollywoodien, tout ça a été utilisé des millions de fois, et Cuaron, pour le coup, n'ajoute rien de bien rénovant. C'est d'autant plus lourd, qu'il a tendance à s'appuyer sur la dramaturgie des personnages. Donc, à part le vertige, on ne parvient pas à ressentir de profondes empathies pour eux. Et même si Gravity est un film porté par la notion d’espoir, l’espoir de s’en sortir étant ici celui de faire la paix avec soi-même, et qu'il le montre très bien, au final, c'est du déjà-vu. Reste les acteurs, avec un Georges Clooney pas très impressionnant, et une Sandra Bullock, assez fade. Le rôle ne lui convient pas très bien. Ainsi, Gravity est un ballet étourdissant, vertigineux, et unique dans ses décors et sa mise en scène. Dommage que Cuaron n'ait pas insisté davantage sur les personnages et sur le scénario, qui sentent beaucoup trop le déjà-vu. Sans noter quelques incohérences par-ci par-là. Ça reste un beau moment de cinéma.