L’affaire Flactif avait défrayé la chronique en 2003 suite à la disparition mystérieuse d’un promoteur et de sa famille au Grand Bornand. Le voisin prolo avait fini par avouer la crime, donnant à l’ensemble une noirceur teintée de jalousie, de violence et de guerre entre classes sociales. Suffisamment pour en faire un film donc, plusieurs années après La Cérémonie de Claude Chabrol qui avait posé le mètre étalon sur ce sujet.
La petite famille de prolos débarque ainsi de son Nord pour venir travailler à la montagne. Les bailleurs sont tout sourire, étalent leur bonheur et leur richesse, et semblent se faire un devoir de prendre sous leur aile cette famille, même si le chalet qu’ils devaient occuper n’est pas complètement fini. La suite est une montée progressive en pression alimentée par la jalousie, l’argent, le mépris, l’incompréhension. Le film parvient curieusement à être plutôt fin par moments dans cette description d’un mécanisme implacable, et assez pataud le reste du temps, ne remplissant qu’à moitié son contrat.
Car était-ce bien utile de charger à ce point la barque dans la description de la famille démunie ? Le réalisateur applique plusieurs dizaines de coups de stabylo sur la description de la vie et des caractères des « pauvres », pour être sur que le spectateur aura bien compris. Ce manque de nuances se retrouve surtout dans le personnage de Jérémie Renier. Venant du Nord, il est donc bedonnant, un peu idiot, fan de bagnoles et de tuning, passe sa vie devant la télé, est impulsif, mais très bon mécano, et dispose de la pointe d’accent traînant adéquate. L’acteur en fait des caisses, voire des surcaisses quand le film avance, et ne rend pas service à un ensemble qui aurait gagné à être plus nuancé.
Dommage car les trois autres protagonistes sont décrits avec plus de finesse et moins d’outrance, de Julie Depardieu excellente en bombe à retardement au couple de promoteurs, incarnés avec une grande justesse par Alexandra Lamy et Lucien Jean-Baptiste, qui mettent en image cette petite distance teintée de paternalisme, à la limite du mépris.
Mais le film se plombe en refusant de se confronter à la noirceur et à la violence. L’enchaînement est trop rapide, le drame est filmé de loin, et la suite des événements qui pourrait être passionnante s’avère molle et peu écrite, comme si le réalisateur très à l’aise pour faire des plans entiers sur la vie des prolos, se retrouvait gêné et blasé par le drame sur lequel est pourtant centré son film. C’est donc l’affaire en elle-même qui fait l’intérêt du film, et rarement son traitement. Un bon documentaire aurait probablement été plus intéressant. Une seule scène retient l’attention et donne le tempo de qu’aurait du être le film : le meurtrier tout fier de se voir à la télé commenter la disparition de la famille. L’horreur et la noirceur en un sourire. Mais cette force d’évocation n’est là qu’en pointillés.
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