Même avec la démonstration un peu appuyée de la dernière partie, où Banksy démonte le simulacre, ses dangers, la fétichisation, les formes improbables de certaines tentatives de récupération du street art par le marché, mais toujours avec un retrait impeccable et une réserve d'humour infaillible, Faites le mur est un des films de l'année. A l'heure des rétrospectives où Inception revient avec ses gros sabots, Banksy échafaude un dispositif fictionnel iconoclaste, au romantisme révolutionnaire intact et salvateur, se dévoilant et dévoilant tout un monde parallèle tout en restant dans le revers, n'apparaissant jamais dans le faux monde du spectacle que pour s'en jouer, insaisissable, libre, pour montrer à la cécité des envoutés de la réalité qui croit en l'univocité et la platitude rasoir de l'idéologie marchande objectivée que "la société se croit seule, mais il y a quelqu'un" (Artaud). Incursion jouissive, virale, ludique, drôlissime de Banksy dans le cinéma, ça ne parle que de liberté, de vérité, de beautés, de gratuité, d'autonomie, d'intégrité, de courage, d'ingéniosité, ça parle de la vraie vie, de styles et de gestes authentiques et irrécupérables, éloge de l'amitié. Et la seule réponse (de propriétaires) de la société, c'est la répression, la chasse, l'effacement. A déconseiller aux Moi-Je Moi-Je ectoplasmiques du premier degré, qui se vanteront publiquement et à l'aide de phrases à l'orthographe douteuse, trouées, auxquelles manquent la moitié des mots, d'avoir tout pris pour argent comptant, qui persistent à ne rien voir, rien entendre, à ne capter aucun clin d'œil. Comment pourraient-il goûter un film dont le sujet est la prise de parole, son émergence vitale, vivifiante, poétique, politique, l'élaboration d'un langage dans un monde musellant... la perturbation malicieuse d'un réel étriquée, figé, le contaminer, réinjecter du Temps vécu directement, faire resurgir l'action et la présence de phrases dans les villes, de corps pensant, jouir partout, là où le béton de la vision du monde dominante met en cercueil les perspectives, se fissure...