En cette fin du XIXème siècle, à Dublin dans l’hôtel Morrison tenu d’une poigne de fer par la cupide Madame Baker, c’est comme dans « le » HLM de Renaud, on y croise une pléiade de drôles d’oiseaux : Des clients dévergondés issus de la vieille aristocratie et de la grande bourgeoisie européenne, un très vieux valet de chambre aussi sourd que tremblotant, un autre davantage préoccupé à finir les fonds de bouteilles qu’à garder ses chaussures bien cirées, une soubrette ingénue prompte à se laisser conter fleurette, un arsouille un peu bad-boy dont les hormones sont en effervescence, un bon vieux docteur qui prend des tasses de whisky au petit déjeuner, etc… Mais putain c’qui est surtout blême, dans l’Hôtel de Luxe Morrison, c’est le visage cireux d’Albert Nobbs, le majordome de la maison aussi efficace que discret, qui observe tout ce beau monde de loin avec une espèce de froideur impassible et distante.
Le seul moment où il se lâche Albert c’est le soir, quand la porte de sa chambre est fermée à clé, lorsqu’il qu’il peut dégrafer son corsage qui l’enserre la journée puis compter et recompter la petite fortune qu’il a amassée sous son plancher depuis trente ans, sou après sou, pourboire après pourboire. Son rêve : Atteindre les 600 livres nécessaires pour ouvrir une petite échoppe de tabac et ne plus avoir à cacher son secret : Celui d’être une femme, car s’il était découvert, ce serait la porte, la honte, la misère assurée, à une époque où seuls les hommes pouvaient aspirer à ce type de poste.
Seulement voilà, le jour où Madame Baker impose au majordome de partager sa couche pour une nuit avec Herbert Page, le peintre en bâtiment venu ravaler un pan de mur, Albert parviendra-t-elle toujours à dissimuler sa vraie identité ???
Le principal intérêt du film, à mes yeux, c’est la très sobre performance de Glenn Close, aux antipodes de son rôle « d’ ébouillanteuse » déjantée de lapin vivant qu’elle interprétait naguère quand elle était femme fatale. Rôle presque trop en retrait à tel point qu’elle se laisserait quasi voler la vedette par le personnage d’Herbert, bien plus charismatique. L’histoire est dure et touchante mais étrangement je suis resté un peu en retrait, il manquait ce je ne sais quoi d’indéfinissable qui provoque l’empathie. Un peu trop de longueurs peut-être, ou l’impression de ne pas vraiment avancer assez vite dans la vie monotone de cette jumelle triste de Charlie Chaplin.