Julie Delpy signe un script de délire foldingue qui comporte une dose de dérision... malheureusement surchargé d'un humour particulièrement gras et d'un esprit lourdingue. C'est parfois rigolo, certes, mais aussi consternant à la fois de vulgarité et d'exagération: on se prend les clichés à la pelle, on avale des conneries sans baisse de rythme, ce qui permet de remplir le vide de sens du film...
Même le concept de vendre son âme dans une galerie d'art, issu d'une négation (du moins d'une sérieuse mise en doute, vu le regret in fine) de cette notion, appuyée par l'idée que sa défunte mère ne lui aurait «pas fait de signe», sonne de manière triste et désolante: il y a de quoi s'interroger sur l'intelligence culturelle de la cinéaste (puisqu'elle en a réitéré la position sur une radio). En tous cas, il est dommage de ne pas voir Vincent Gallo, en caméo plusé, dévorer son contrat d'achat d'«âme».
Malgré une mise en bouche pseudo-allenienne, on se rend vite compte qu'on évolue très loin de Woody Allen, d'autant que la mise en scène ne délivre aucun charme, à l'image de l'affiche. Le comique reste ou très porté sur le sexe, façon culcul, ou grossier, généré à partir de situations et d'échanges impropables, entre boulettes et prises de tête. On s'étonne, entre incrédulité et consternation, de certaines réparties, tellement c'est du grand n'importe quoi. Le passage grotesque dans l'ascenseur en constitue un des points d'orgue...
Face à la prude voisine qui menace de la faire expulser -ridicule- en raison de la brève agitation la veille de ses deux invités délurés, parmi lesquels sa timbrée de sœur, Julie alias Marion invente un échappatoire et lui répond, en anglais, «tu veux me foutre dehors sur mon lit de mort (avec ma tumeur au cerveau), salope?!».
C'est énorme donc drôle mais aussi lamentable et atterrant. Si ça n'est pas une enfilade de blagues déjà vues (confrontées à la réalité ricaine) sur le côté exubérant façon joyeux bordel de l'esprit gaulois, comme la bouffe qui pue, le manque de retenue et les familiarités, la promiscuité, la fumette, une tendance exhib, les bonnes intentions maladroites ou la politesse balourde, c'est l'esprit provocateur, chamailleur, cyclothymique, qui prend le relais. On retrouve une partie des acteurs de 2 Days in Paris mais ça diffère pas mal. La disparition de Marie Pillet (la mère de Julie) donne lieu à un hommage appuyé, mais il se trouve gâché par une allégorie d'envoi qui tombe à plat
(la libération d'un pigeon à Central Parc)
et par une absence quasi fantomatique lors du retour sur images concernant la jeunesse du père, Albert alias Jeannot. Le gros Albert Delpy offre en passant quelques séquences hautes en couleur en incarnant génialement ce papy vulgaire au possible, visage rougeot et verre de rouge à la main; un personnage bien évidemment caricatural, irritant, mais très rigolo. Quant à Chris Rock, qui ne semble pas vraiment amoureux de Marion, ses sempiternels monologues, en particulier ceux adressés à Barack Obama, finissent par éreinter (interventions peu ou pas drôles). D'ailleurs, les références plus ou moins sympathiques à l'égard d'Obama sont d'une insistance indigeste. On tente de saisir la logique de tout ça or il n'y en a pas, si ce n'est faire du remplissage pendant deux jours (un peu plus, en fait) en agitant une galerie de caricatures moqueuses et en alignant une série de situations cocasses et loufoques. Seulement, le soufflé finit par retomber et l'on patauge dans une bouillie de plats quiproquos. Desservie par une absence de profondeur et de finesse, l'histoire glisse clairement dans une fuite en avant chahutée associée à un ramassis de blagues faciles, qui compilent les divers genres et effets (comique de situation, de caractère, de mœurs, de gestes, provocateur gentiment trash limite pipi-caca, sous-entendu complice...) mais sans originalité ni ressort. Une comédie marrante pour son esprit immature mais navrante pour sa pesanteur comique, qui entrave son envol.