Derniers Avis : La Bocca del Lupo - Page 2

Le film alterne avec élégance entre l'histoire du déclin des activités portuaires de Gènes et les péripéties de deux êtres déclassés et pourtant heureux dans leur façon simple d'aimer. Un vent d'insoumission idéologique soufflerait-il d'Italie ?

C'est un film sur la grandeur du "populo", sans aucune idéologie ni visée politique, c'est assez rare pour être signalé ! Ce populo italien raconte les moments clefs de sa vie, entre prison ( longues années) et vie dite normale, avec une histoire d'amour qui défie le temps, entre lui et une personne qui n'intervient face caméra qu' assez tard, dévoilant une histoire homosexuelle, que je n'avais pas anticipée, grand naïf que je suis, malgré tous les indices qui l'indiquaient, et n'enlève rien à la beauté du film, qui au vu de la bande-annonce avait tout pour être passéiste et suranné, mais au final interroge, à travers les changement d'urbanisme de leur ville liés à l'économie, et à travers les changements psychologiques au cours des décennies, le sens que chacun met dans son propre temps passé ici bas, sans philosophie ni moralisation clef en boîte, juste des sentiments suffisamment intenses pour imposer le respect et susciter l'émotion. Un amour en théorie fondamental mais rare, sans le combat et l'énergie déployé malgré tout par notre héros venu du passé révolu de cette vieille Italie survivant dans ces ruelles à l'ancienneté presque antique et totalement légendaire.

Construction magique, savante, élégiaque, puisée à une myriades de sources, les amateurs de détournement d'images se régaleront ; il a été fait usage de films muets, parlants, noir et blanc, couleurs, sépia, 35mm, super8, extraits de films noirs, de gangsters, montage admirable d'archives documentaires, publicitaires, industrielles, ou films amateurs, tout ça palpite devant nos yeux, pour recomposer, recréer, retracer la carte du tendre, comme l'eau ou des esprits reconvoqués pour nous et qui remontent de très loin, de profondeurs intimes, traversant une variété de strates, de textures, trajet mystérieux, réseau d'époques, de récits, bribes d'un texte de Gaspare Invrea, Membra Jesu Nostri de Buxtehude, pour rejaillir dans la Gênes d'aujourd'hui, docks abandonnés à la rouille, zone portuaire près des grottes à présent le terrain de clochards, arpentée par Enzo qui revient comme sur les lieux du crime, autant de ruelles étroites comme un coupe-gorge, néons de night-club, jukebox, trottoirs où se croisent fantômes et vivants, où les prostituées attendent le client en plaisantant avec les vieux, avec en fil rouge leurs voix alternées, rocailleuses, lettres d'amour, cassettes échangées, jusqu'à cette "interview" hallucinante, tous les deux réunis, face à la caméra, avec les chiens qui gigotent, rencontre en prison entre le mafieux sicilien avec sa gueule de voyou et la transsexuelle toxicomane, séparation, attente, retrouvailles, rêves de vieux couple serré sur un banc sous une véranda à attendre la vieillesse après une vie mouvementée

« La Bocca del Lupo » est un film rare et inclassable. Entre de très belles images d’archives, une histoire d’amour et le principal protagoniste du film, Enzo, déambulant dans les quartiers pauvres de Gênes on est pris par ce film. La ville et les personnages sont magnifiquement filmés. Sombre mais jamais désespéré. C’est beau et inhabituel.

Tres beau film. Allez le voir même s'il passe dans peu de salles en France

La façon dont nous est raconté le parcours de ce mafieux prénommé Enzo à la façon d’un documentaire-hommage est aussi étonnant que la belle image sordide donnée à la ville Gênes. Accumulant dans un montage étourdissant des images d’archives aux styles visuels disparates et un témoignage très poignant, la construction elliptique du premier film de Pietro Marcello réussit à faire surgir une certaine émotion de cette situation terriblement glauque et triste qui poussera ce anti-héros vers la rédemption. L’approche psychologique et romantique de ce portrait de gangster le différencie des nombreux scénarios traitant d’histoires similaires (comme Bronson de Refn) tandis que sa narration illustrative en fait définitivement une œuvre à part mais plus difficilement accessible.

Film poétique sur les errances de marginaux...réalisation magnifique.