Construction magique, savante, élégiaque, puisée à une myriades de sources, les amateurs de détournement d'images se régaleront ; il a été fait usage de films muets, parlants, noir et blanc, couleurs, sépia, 35mm, super8, extraits de films noirs, de gangsters, montage admirable d'archives documentaires, publicitaires, industrielles, ou films amateurs, tout ça palpite devant nos yeux, pour recomposer, recréer, retracer la carte du tendre, comme l'eau ou des esprits reconvoqués pour nous et qui remontent de très loin, de profondeurs intimes, traversant une variété de strates, de textures, trajet mystérieux, réseau d'époques, de récits, bribes d'un texte de Gaspare Invrea, Membra Jesu Nostri de Buxtehude, pour rejaillir dans la Gênes d'aujourd'hui, docks abandonnés à la rouille, zone portuaire près des grottes à présent le terrain de clochards, arpentée par Enzo qui revient comme sur les lieux du crime, autant de ruelles étroites comme un coupe-gorge, néons de night-club, jukebox, trottoirs où se croisent fantômes et vivants, où les prostituées attendent le client en plaisantant avec les vieux, avec en fil rouge leurs voix alternées, rocailleuses, lettres d'amour, cassettes échangées, jusqu'à cette "interview" hallucinante, tous les deux réunis, face à la caméra, avec les chiens qui gigotent, rencontre en prison entre le mafieux sicilien avec sa gueule de voyou et la transsexuelle toxicomane, séparation, attente, retrouvailles, rêves de vieux couple serré sur un banc sous une véranda à attendre la vieillesse après une vie mouvementée