Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un Soderbergh, et Contagion, par son sujet et son casting, était, sur le moment, l'un des films les plus alléchants que je pouvais voir en soirée. Au milieu de deux autres daubes dont on taira le nom, il paraissait le choix le plus judicieux de le regarder. Et Contagion, malgré mon positivisme total (j'aime Sorderbergh, les films d'épidémie et la majorité de son casting), a tout gâché.
Pas mauvais, il est surtout affreusement linéaire, transformant ses idées pertinentes en petits détails noyés dans une écriture maladroite, qui présente mal ses personnages et les multiplie trop pour en rendre un seul, sinon intéressant, au moins important au bon déroulé de l'intrigue. A ce sujet, le film nous prendra au dépourvu : volontairement ou non, il éclipse Matt Damon pour laisser la place à Kate Winslet, scientifique à l'origine de ce fantastique Deus Ex Machina de troisième partie gâchant totalement les deux-tiers précédents.
Là où le film montait de manière intéressante (notamment au travers du parcours de Jude Law, insupportable dénonciateur des journalistes à sensationnalisme actuels, particulièrement les reporters-bloggeur), il retombe sans crier gare, s'éteint subitement. Exit la montée sidérante de la pandémie, les drames qui se multiplient, les personnages qui s'écroulent petit à petit : Kate Winslet, par les joies des facilités scénaristiques, met fin à une situation que Soderbergh semblait ne plus contrôler.
A l'image de son OMS, il trouve une solution miracle pour se sortir de sa débâcle : le film ne durant pas plus de deux heures, il paraissait difficile d'en faire un récit choral s'intéressant à différents points de vue, du mari trompé dont la femme et le patient 0 aux pontes des organisations de la santé, en passant par une scientifique en recherches et un journaliste véreux qui ne pense qu'à son intérêt, et qui joue sur l'hystérie des gens pour se faire ses petits bénéfices de Thénardier.
On se retrouve donc avec une conclusion qui signe l'arrêt de la pandémie, mais ne termine absolument aucune intrigue : laissant en suspens tous ses personnages, Contagion laisse une drôle d'impression, une impression de vide, de n'avoir rien vu pendant deux heures. Ce constat, on se le fait dix minutes avant le générique, au moment de la distribution des vaccins : déjà une heure cinquante de film et l'on a la terrible sensation d'avoir perdu son temps, d'avoir suivi une oeuvre qui n'apporte aucune idée, aucun axe original à son genre (si ce n'est qu'il se concentre plus sur le côté scientifique que catastrophique, privilégiant visiblement le réalisme au sensationnalisme américain).
Ainsi, la seule conclusion d'histoire tombera sur la fille de Matt Damon, qui aura enfin pu embrasser son copain; aucune utilité pour l'inexpressive et lascive Marion Cotillard (encore plus mauvaise que dans Inception), pas de véritable fin pour Jude Law, toutes les fins d'histoire étant sous-entendues plus que montrées, ou véritablement développées. De même que la fin vient trop vite, on notera sa superbe séquence finale, explication complètement absurde des origines de la bactérie assassine mais parfaitement menée, tant par la jolie photographie de Soderbergh que par le choix pertinent de mettre le premier jour de contamination en dernier.
C'est aussi pour cela, je pense, que le film est si plat : se déroulant en comptant le nombre de jours, il inclut son spectateur dans une démarche certes réaliste, mais trop explicative pour que l'immersion, au départ excellente, se perpétue au moment du 147e jour. Les acteurs n'aident pas non plus, la prestation globale étant de qualité commune, nonchalante, sans énergie, neutral (comme dirait l'Autre).
Ce n'est malheureusement pas le talent de réalisation de Soderbergh qui va rattraper la mollesse de son écriture et de son déroulé, sa photographie classieuse mais monochrome (la majorité des plans sont contaminés de vert, avec quelques touches d'orange bien gras) laissant au final une sensation de visuel répétitif. Avec un casting et un sujet pareil, Soderbergh est passé complètement à côté de la plaque.
Dommage.