Difficile de juger. Parce qu’on est à la confluence du spectacle et du cinéma. Exactement le dilemme du cinéma à ses origines. Georges Mélies et sa magie («Le voyage dans la Lune » en 1902) ou André Calmettes (« L’assassinat du duc de Guise » en 1908 avec la participation exceptionnelle de Camille Saint-Saëns pour souligner le potentiel artistique du cinématographe ) ? C’est un peu comme si, sur une échelle unique, il fallait juger de la littérature à travers les œuvres de J.K Rowling (Harry Potter) ou de Anne Golon (Angélique, marquise des Anges) , Guillaume Musso ou Marc Levy pour être tout à fait contemporain. Le point positif que je veux en retenir c’est que les uns ne peuvent vivre sans les autres : sans le succès des auteurs populaires , l’édition toute entière irait moins bien. Même chose au cinéma. Sans les péplums à grand spectacle, avec aujourd’hui Odorama (expérience ratée de Polyester en 1981) ou les lunettes trois D (expérience réussie de Avatar en 2009) , le cinéma aurait peut être du mal à se réinventer à l’heure de Netflix où des consoles de jeu et du smartphone. C’est cher payé pour se garder la possibilité de voir des œuvres intimistes au cinéma mais c’est ce qu’il faut payer pour continuer d’aller et d’aimer le cinéma. Et puis hier au soir … la salle était pleine. Tant mieux.
Donc côté pile, il y a le spectacle. C’est une réussite totale . On en prend plein la vue. Les images sont splendides. C’était entre le « Oui oui à la plage » de Enid Blyton de mon enfance et une séance à l’Aquaboulevard de Paris (qui coûte plus cher). L’histoire est simple. Les personnages sont beaux et tout passe par le regard. On voit la vie en bleu au milieu des poulpes et des algues. Il n’est pas surprenant qu’en sortant, on trouve notre planète triste et grise et on a déjà identifié un « Post Avatar Dépression Syndrome » (PADS) qui frappe les spectateurs déçus du retour à la réalité (il faut pourtant remiser ses lunettes) . Mais le film est plaisant, plein d’action puisque les méchants terriens reviennent pour assassiner Jack Sully, l’ancien marine handicapé, qui a épousé Ney’tiri qui lui a donné quatre beaux enfants, deux garçons turbulents et deux filles malignes et charmeuses… L’action se déroule sans risque véritable puisqu’il y aura un Avatar 3 puis 4 et 5 (en 2028 qui se déroulera sur terre ) . J’irai certainement les voir comme pour rendre hommage à une nouvelle mythologie à la Roland Barthe comme je m’applique à lire chaque année le nouveau Amélie Nothomb … et puis Avatar est une affaire qui marche. Avatar 1 a coûté 237 millions de dollars et rapporté 2,78 Mds de $. Un rapport de 1 à 10. Celui -ci devrait faire au moins autant pour un investissement de 250 millions de $. En terme de marge brute, ça fait rêver et on se dit qu’avec un tel bilan financier les autres opus sortiront . Ouf…
Côté face, c’est un peu moins glorieux. Le scénario est tout de même super léger et James Cameron (né en 1954), réalisateur de Terminator (1984), Alien, le retour (1986) , Abyss (1989) et Titanic (1997) ne s’est pas trop fatigué pour recycler son savoir faire (Abyss et Titanic ) et quelques grands moments du cinéma: «Waterlord » de Kevin Reynolds (1995) avec Kevin Coster et surtout « Moby Dick » de John Huston (1956), peut être « Tarzan » pour le personnage de Spider. Si seulement ce film donnait envie aux spectateurs d’aller voir ce chef d’œuvre du Maître avec Gregory Peck, en capitaine Achab fou (car non Moby Dick n’est pas que le nom d’un rappeur… ) ou de lire le livre éponyme de Herman Melville … Bref, il y a quand même, avec Avatar, une sérieuse impression de déjà vu pour les regards avertis. Comme la 3 D n’est du coup plus vraiment révolutionnaire (le premier film 3D est de 1954, “L’étrange créature du lac noir” ), le filon risque de s’épuiser rapidement un peu comme « Dune » ou “Jurassic Park” qui marquera cependant toute une génération.
Ce qu’il y a de véritablement intéressant dans ce genre de saga c’est qu’en définitive, les épisodes, qui sont fait pour séduire, capte l’esprit du temps qui les produit et de ce point de vue, il n’y rien de futuriste. Avatar 2 n’échappe pas à la règle. Je note sur d’abord Avatar 2 est plus sombre que le premier opus. Est ce un hasard ? Ou la perception de ce que la dernière décennie est sans doute moins brillante que ce que nous annonçait le siècle nouveau en l’an 2000? Ensuite, Avatar 2 est aussi une fable écologique et océanique (“la voie de l’eau”) qui parle en terme d’équilibre entre la nature et l’homme, d’énergie entre les espèces… L’océan est la partie de la planète la moins protégée et c’est un vrai sujet d’actualité. Avatar 2 met enfin en scène, et c’est un choix , des familles classiques, maris et femmes et leurs enfants, des familles unies (“notre famille sera une forteresss” dit Jake Sully), sur fond de métissage (sa famille est hybride ; ils sont accueillis par des Na’vi aquatiques, différents de ceux des forêts; ils recueillent Spider qui est un humain) et de querelles sur l’acceptation des différences (thème il est vrai rebattu au cinéma depuis « Le garçon aux cheveux verts » de Losey en 1947, moment de grande mixité après la guerre ) . Mais c’est toujours utile de le répéter.
Mais, je reste dans mes bottes. J’aime le cinéma «chiant » comme on dit et les histoires complexes si elles m’apportent quelque chose et me pousse à réfléchir. Plus donc « Reflet dans un œil d’or » que « Le trésor de la Sierra Madre » de John Huston, déjà cité. Avec Avatar 2, je me suis diverti. Je ne me suis pas ennuyé. Je recommande de le voir comme je dis souvent lisez aussi Guillaume Musso à ceux qui le dédaignent. Car en définitive, Avatar 2 est un événement mais pas un chef d’œuvre .