En bouleversant les technologies cinématographiques avec « Avatar », James Cameron ne renonce pas à lâcher l’affaire sur la vie qu’il a insufflée à Pandora et à ses personnages. Le réalisateur de « Titanic » et « Abyss » réunit ainsi tous les artefacts qui l’ont poussé à explorer les vertus de l’eau, à la fois comme une nature impitoyable et à la fois comme une entité salvatrice. Tout le reste repose sur le spectateur, qui aura eu treize ans pour en digérer les merveilles, mais la mécanique hollywoodienne aura presque noyer sa reprise, car il s’agit ni plus ni moins du temps nécessaire afin de repousser les limites artistiques qu’il avait préalablement établi. La science-fiction continue ainsi d’alimenter l’imaginaire du cinéaste canadien et donne à l’occasion aux studios 20th Century de revendiquer une identité, que la firme aux grandes oreilles n’est pas près d’assimiler.
Le profil de la saga offre une perspective unique en son genre, où tout le monde sera invité à prendre une grande inspiration avant de s’immerger dans cette nouvelle exploration, non pas que la tâche sera laborieuse ou étourdissante, mais bien volumineuse. Il est désormais temps de découvrir Pandora en profondeur, enfin débarrassé du joug des humains, ou presque, qui répondront inévitablement aux représailles des autochtones. Jake Sully (Sam Worthington) ne peut plus se reposer sur une paix, durement acquise par le feu et le sang que son ancienne communauté a rapidement propagé. Ayant une famille à sa charge, élevée dans la culture d’Eywa, ce dernier devra préserver son foyer, aux côtés d’une Ney’tiri (Zoe Saldana) plus en retrait ou simplement dans le costume de la paternité. Les véritables stars seront bien leur descendance, que l’on apprendra à découvrir sur le plan intime, qui frappe droit au cœur.
L'environnement aquatique, peuplé de nombreuses créatures, de trésors et garni de plusieurs difficultés, devra être dompté, non seulement pour la survie, mais également afin d’ouvrir la voie à un nouveau langage et une nouvelle saveur. Le mouvement a toujours été un élément à part chez Cameron, narrateur hors pair et un des meilleurs artisans du numérique. C’est pourquoi le retour de quelques têtes, dont celle du défunt colonel Quaritch (Stephen Lang), n’est pas à déplaire, sachant le potentiel de l’antagoniste dans ce nouveau souffle. Un double apprentissage entre terre et mer se dégage, comme si l’on venait constamment convoquer les identités biologiques dans ce drame familial. Ces liens ne sont pourtant pas si étanches et le réalisateur fait mouche en diluant cette sincérité dans le regard d’enfants et d’adolescents, qui font face à des problématiques qui les dépassent. Le traumatisme forge alors un esprit vengeur, qu’il est bon de rappeler, à l’instar du capitaine Achab et de sa proie. L’eau leur apparaît comme une issue, que chacun ira de son interprétation. L’essentiel est de se laisser apprivoiser par celle-ci. La mer donne et la mer prend. L’équilibre de ce film tient sur cette note d’intention, qui consolide l’approche spirituelle des tribus Na’vis.
L’autre argument que l’on verra se glisser d’un bord à l’autre de l’écran, c’est bien entendu la technologie 3D, qui constitue le socle de tout ce projet démesuré, ambitieux et pourtant maîtrisé. Cameron n’est pas à son premier coup d’essai, mais il a bien ramé avant de jumeler la conscience et l’image à un tel niveau. Les corps numériques ne sonnent jamais creux et sa force réside dans la fluidité de ses plans. On voit tout en grand, sans oublier d’être bercé et émerveillé par le spectacle aquatique ou aérien qui se présente à nous. Le ballet est de nature sensorielle et trouve à chaque fois une nouvelle parade, afin de sublimer le cadre, pleine de tendresse et de poésie. À l’opposé, la technologie mécha, sorte d’extension de la militarisation humaine, continue d’imiter en vain, mais se heurte aux limites leur compréhension. Cela n’exclut pas pour autant les nouvelles trouvailles, qui nous détachent de l’environnement que nous connaissons. Et pour accompagner le tout, nous avons Simon Franglen, qui succède au regretté James Horner, avec qui il est resté en étroite collaboration depuis le premier volet. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver à la barre d’une telle entreprise, teintée de deuil.
Sans tomber dans le piège classique des suites, qui confondent souvent le changement de décor et le renouvellement des enjeux, « Avatar : La Voie de l'eau » (The Way of Water) capitalise sur les valeurs d’une unité familiale, avec ses failles et un apprentissage commun. Cameron le fait en accompagnant le spectateur de son siège à Pandora, dont les richesses et les fléaux continuent de dévoiler leurs subtilités et leur lot de frissons. Désormais, le public trouvera son Avatar dans l’intimité de la famille de Jake, convaincue de sa force et de son esprit d’aventure. On viendra intelligemment nous bouleverser dans un discours limpide et qui possède plus d’une raison de nous retenir plus longtemps en apnée sur Pandora.