La condition des Indiens d'Amérique latine a-t-elle vraiment évolué par rapport à celle de leurs lointains ancêtres du 16e siècle, victimes des "conquistadors" engouffrés dans le sillage de Cristobal Colon? Le film d'Iciar Bollain semble prouver que non. Pourtant, aujourd'hui comme à cette époque, certains hommes se dressent contre le pouvoir pour prendre leur défense et leur tendre la main. Sebastian, réalisateur, et Costa, producteur, se trouvent à Cochabamba (Bolivie) en 2000, pour tourner un film sur deux hommes d'église, Bartolomé de Las Casas et Antonio Montesinos, qui ont, les premiers, dénoncé l'injustice et la cruauté faites aux Indiens. Ils vont assister au déclenchement de la "guerre de l'eau" et devoir choisir leur camp pour prouver que le sujet de leur film n'est pas qu'un scénario tout théorique mais aussi un idéal de fraternité à mettre en pratique, si extrêmes soient les circonstances. Pétris de certitudes, uniquement axés, l'un sur la réalisation à tout prix de son projet, l'autre sur les limites de son budget, ils vont peu à peu ouvrir les yeux sur une vie et des hommes à cent lieues de leurs préoccupations et toucher à l'essentiel. Ils passent tour à tour par le mépris, la cupidité, la lâcheté, la révolte, la honte, pour atteindre enfin la compassion et même l'héroïsme. Costa, en particulier, va rejoindre dans une amitié forte, Daniel, celui qui incarne le chef des Indiens martyrisés par les Espagnols, mais aussi celui qui prend la tête du soulèvement contre la Compagnie des eaux bolivienne dont les tarifs prohibitifs privent les déshérités de l'accès vital à l'eau potable. "Même la pluie" ne peut être recueillie gratuitement, symbole absurde de l'oppression ultime et du mépris de la vie humaine! Costa sauve la fille de Daniel et reçoit en remerciement un flacon de "yaku" (eau, en Quechua), élément essentiel et pur comme la fraternité humaine prêchée par Las Casas et Montesinos il y a déjà bien longtemps. Le parallèle est éloquent entre les scènes du film et les évènements contemporains, à tel point qu'ils se rejoignent lorsque les acteurs indiens s'opposent à la police venue arrêter Daniel sur les lieux mêmes du tournage! Les conquistadors corrompus par la "soif de l'or" sont toujours à l'oeuvre mais leur victoire n'est plus aussi systématique...