Depuis "Pour elle", un nouveau venu dans le paysage du cinéma policier Français est arrivé, et c'est une petite révolution.
Jusqu'ici dominé par des productions brillant surtout par un scénario intéressant ou une interprétation de qualité, mais trop fréquemment engoncé dans des mises en scènes ne donnant pas à l'action la part essentielle, le cinéma policier à la Française était volontiers affublé des étiquettes "lourd" et "bavard", voire "ennuyeux". Hormis l'héritage apporté au genre par Alain Corneau dans les années 70, avec ses premiers films qui hissaient enfin les scènes d'action au même niveau que celui du cinéma Américain, peu de cinéastes ont ensuite véritablement marqué de façon durable le cinéma policier Français.
Avec "Pour elle", et maintenant "A bout portant", Fred cavayé semble bien se positionner comme le tenant de la nouvelle griffe "policier à la Française", après que les productions Besson aient largement contribué à dévaloriser celle-ci par l'indigence de leurs scénarios, et malgré quelques fulgurances éparses qui se sont tout de même manifestées ("le convoyeur" de Nicolas Boukhrief","scènes de crime" de Frédéric Schoendorffer ou "nid de guêpes" de Florent Emilio Siri), mais qui n'ont pas été suivies d'autres oeuvres de grande envergure dans le genre.
Nous cueillant à froid, à peine installés dans notre fauteuil, "A bout portant" démarre illico à la vitesse lumière dans l'action pure, filmée avec nervosité et montée au rasoir, bien mieux que les blockbusters Américains qui ne savent plus qu'agiter la caméra pour accentuer leurs effets déjà très appuyés. Ici, ça bouge effectivement beaucoup plus devant que derrière l'objectif et, si ça va très très vite, tout reste très lisible et percutant.
Le scénario tiré au cordeau va nous emporter sans un seul temps mort de surprise en surprise et a le bon goût de faire court et rester concentré sur l'essentiel, sans fioritures ni redondances psychologiques excessives. Cela ne veut pas dire pour autant que les personnages et les ressorts psychologiques de cette histoire sont négligés ou traités avec une pauvreté navrante. Simplement, l'écriture du film a l'intelligence de développer tout cela au travers de la progression de l'action et des situations auxquelles sont confrontés les protagonistes, sans que cela alourdisse ou ralentisse le rythme. C'est un traitement qui est à rapprocher de ce qui est déjà monnaie courante dans le cinéma d'action asiatique.
Pour ce qui est de l'interprétation, contrairement à ce que j'ai pu lire dans d'autre critiques postées ici, choisir Gilles Lellouche pour incarner le type lambda soudain précipité dans un maëlstroem d'événements l'obligeant à se dépasser et à se dépêtrer de situations ultra-dangereuses me paraît être un choix tout à fait judicieux. Déjà remarqué dans de nombreux seconds rôles intéressants où son humour, sa vivacité et son caractère expansif faisaient merveille, on savait qu'il avait aussi ce côté physique indispensable pour être crédible sur une telle histoire (voir son personnage dans "Ne le dis à personne"). Ici, on est heureux qu'il ait enfin trouvé un vrai premier rôle où peut s'exprimer toute l'étendue de son talent, que ce soit dans l'action ou dans les moments de désarroi ou de tendresse avec sa femme.
Roschdy Zem, quant à lui, nous avait déjà habitués à des rôles difficiles et des personnages parfois troubles ou marginaux. On constate ici une fois de plus à quel point il est devenu indispensable dans le paysage cinématographique français. Le film dresse par ailleurs toute une galerie de portraits pittoresques ou inquiétants et l'on retiendra là-dedans la performance impériale de Gérard Lanvin, tout autant que la prestation exemplaire de Mireille Perrier, en flic de choc dont on sent toutes les fêlures intérieures.
On reste scotché à ce film du début à la fin sans reprendre son souffle et l'on en ressort à peu près avec l'impression (vertigineuse mais sans la nausée) d'avoir passé 1h25 dans le wagon d'une montagne russe. Si Fred Cavayé a d'autres tours de manège comme celui-ci à nous proposer par la suite, nous nous y précipiterons.