Le cinéma, à savoir le format grand écran, offre parfois quelques ouvrages documentaires d’importance, traçant leurs destinées parallèlement à ceux de la télévision, simplement de par un impact, une prise de risque, plus significatif. C’est donc le cas de Restrepo, qui de par le sujet qu’il développe, peut être considérer comme documentaire inédit. Restrepo c’est aussi l’illustration absolue d’une incursion des médias dans les guerres modernes, des journalistes d’action incrusté profondément dans les combats, vivant militaire, mangeant militaire, dormant militaire et prenant, dans une certaine mesure, le même risque que les combattants. Ici, plongée dans une vallée animée d’Afghanistan, là où l’Amérique s’embourbe comme dans pas mal de situation, tentant de canaliser une population locale loin d’être acquise à sa cause et combattant des rebelles de l’ombre.
Restrepo est impressionnant d’immersion, de détails. L’on fera, gentiment, au fil de l’ouvrage, connaissance avec une poignée de soldats US en pleine OPEX, bien loin de chez eux, bâtissant un poste de combat avancé sous le feu ennemi, envers et contre tout, n’attendant que de rentrer chez eux. La caméra les suit un peu partout durant une année, avec des hauts et des bas. La mort, les blessures, la solitude, la peur, les émotions sont toutes retranscrites à l’écran. L’on nous montre tout, les bunkers, l’aviation, la nourriture, nous plongeant même souvent dans des échanges de tirs abstraits et saisissants. L’on nous montre même, et cela est assez intéressant, la relation qu’entretient l’armée américaine avec la population locale, cela démontrant l’impossibilité d’établir des bonnes relations, malgré les efforts déployés.
L’on restera toutefois dubitatif face à l’absence de fil conducteur. Oui, malgré toutes ses qualités, Restrepo semble être curieusement brouillon. Les images montrées sont-elles toutes réelles, l’on ne peut que se poser la question. L’on passe d’une fusillade à un moment de rire nerveux sans préambule, sans cheminement. L’on nous montre un quotidien qui s’étale sur une année sans jonction entre les évènements, les témoignages en voix off n’étant pas toujours de concert avec les images. L’opération dont on parle tant, Rock Avalance, ne sera finalement qu’un prétexte de plus pour nous montrer des combats, sans que l’on sache le but, les aboutissants.
Un reportage coup de poing au cœur de la guerre, certes immersif mais manquant d’âme, de linéarité. Un mec qui tire, un avion qui bombarde, des mecs qui mangent, qui pellent de la terre, qui parlent à la population, et la boucle recommence. L’on nous expose ni le pourquoi des opérations, ni l’importance de la vallée du Korengal, si meurtrière, dans le conflit. L’on nous montre simplement le quotidien de soldats et de quelques gradés dans une guerre lointaine en vue d’une chasse aux terroristes, cause de toutes les tensions entre ethnies depuis les attentats de 2001. L’Amérique embourbée dans les montages afghanes, un titre qui aurait parfaitement convenu. 11/20