L’héroïne de " Winter’s Bone " pourrait être une adolescente ordinaire si elle n’avait pas à sa charge ses deux petits frères et sœurs. Entre une mère malade et un père absent, elle doit assumer les tâches du quotidien. Autant dire que le lycée ne fait pas partie de ses priorités, même si elle aimerait bien qu’il le soit. Vivant dans une forêt, la jeune fille est isolée du reste du monde et surtout des jeunes de son âge. Elle est adulte avant l’heure, d’autant qu’elle décide de partir sur les traces de son père porté disparu. Les habitants de la région montagneuse où elle habite se liguent contre elle, la martyrise pour ne pas qu’elle fouille dans des lieux et des histoires peu reluisantes. Tout le monde sait quelque chose, personne n’est innocent. Cette ambiance en vase clos où toute la communauté est impliquée dans une sombre affaire n’est pas sans rappeler l’atmosphère de " Twin Peaks " de David Lynch. Si l’on ne retrouve pas d’éléments surnaturels, l’idée d’un complot ou d’une machination infernale est bien présente dans le long-métrage de Debra Granik .
Complètement seule, l’adolescente ne peut compter que sur elle-même. La nature qui l’entoure représente autant un rempart qu’un danger. Connaissant la végétation des lieux, elle est en terrain conquis. Mais, pour autant, la peur n’est pas absente car chaque bruit peut être une menace, lui rappelant cruellement que la traque dont elle est victime n’est pas finie. En plein hiver, dans cette région reculée, tout est blanc. Aucune trace ne reste, chaque être vivant se fond dans le décor. La lumière est presque aveuglante. Dans cette indistinction environnante, la jeune fille doit être son propre guide. Le temps ne peut être que long pour elle qui ne sait pas vraiment où elle va ni ce qu’elle ou qui elle cherche. Cette dilution de la durée se perçoit nettement, chaque action se déroulant avec lenteur. Mais cette dernière est nécessaire pour comprendre le prix de l’effort, le sacrifice physique et psychologique que cette recherche du père demande au personnage principal de Winter’s bone.
Finalement, ce que l’héroïne cherche n’a que peu d’importance ; il est de toute façon évident que le parent disparu ne désire pas être retrouvé, qu’il ne souhaite pas s’investir totalement auprès de sa famille. Par contre, cette quête apporte à l’adolescente une nouvelle assise à son existence où, pour la première fois, elle décide de ce qu’elle fait, malgré les obstacles qu’elle rencontre. Alors qu’au premier abord Winter’s bone revêt des apparences de drame, voire de thriller, il se dévoile peu à peu comme une quête initiatique tout à fait singulière par l’absence de psychologie caractérisée, laissant au personnage principal, adolescente et adulte en devenir, une part de mystère et par là-même d’intérêt.