"Winter's Bone" fait parti de ces oeuvres qui ont reçu une panoplie de récompenses, un éloge plus qu'enthousiaste. Mais, à la différence d'autres films catégorisés comme tels, cette réalisation de Debra Granik est effectivement bien au dessus de ce à quoi l'on pouvait s'attendre. Petit film indépendant sans prétention, "winter's bone" à ce facheux don et cette habitude corrosive d'emmener le spectateur loin dans la douleur, la tristesse, le supplice, bref dans les maux les plus torturants. Tout, dans le film, sous entend cette noirceur omniprésente : les décors (d'une froideur parfois réconfortante), la photographie (d'une beauté indéfinissable qui permet à l'ambiance et l'atmosphere de l'oeuvre de se faire plus glauque, sordide et perturbant), les personnages. Alors, concernant les protagonistes, tout a été pensé et reflechi pour proposer un tableau humain crepusculaire. Tout le monde semble au bord du gouffre. Y'en a pas un, sur la quinzaine que l'on voit défiler au cours du film, qui prête allégeance à l'espoir, à la joie et au rire. Tous demeurrent cloitrés dans leur indifférence, leur douleur, leur mal être. Ils s'abandonnent respectivement, ne se lient jamais par simple volonté et se detestent de maniére universelle. C'est cruel, abrupt et sans compromis possible. Debra Granik l'a décidé comme ça et poursuit son fil conducteur du début à la fin dans ce sens là. Mais "Winter's Bone", c'est aussi et surtout les interpretes de ces personnages. On saluera principalement Jennifer Lawrence, qui fait preuve de grande élégance dans ce monde apocalyptique. Abandonnée, obstinée, elle devra tout faire pour maintenir ses parents (frere, soeur, mere) en vie mais aussi conserver leur seul bien : la maison familiale. Desesperement, elle fera le tour des habitations voisines, retrouvant de vieilles connaissances pas trés fréquentables, afin d'extorquer des informations sur son pére fraichement libéré de prison aprés y avoir été incarcéré pour production de drogues. Pas trés gâtée, notre jeune fille de dix-sept ans fait progressivement une croix sur ses rêves et ses ambitions. Son seul but : sauver les siens. Se sauver elle-même ? Elle n'y pense même pas. C'est la force de ce long métrage qui, s'il est constitué de quelques longueurs et de dialogues parfois repetitifs qui ne font pas toujours évoluer les choses, posséde une douceur qui nous échappe mais qui s'avére paradoxalement bien présente. "Winter's Bone" est donc une oeuvre pleine d'ambiguité qui, étrangement, peut nous faire aussi bien rêver que réfléchir. Les quelques reprises musicales sont interessantes. Decrivant un monde sans compassion et aux cicatrices multiples, "Winter's Bone" est une sorte d'oeuvre moderne issue d'un challenge datant de post-guerre froide, où le rêve américain ne nous a jamais paru aussi peu attrayant. Trés bon film.