A 17 ans Ree Dolly est soutien de famille : elle doit s'occuper seule de sa mère invalide et de ses frère et soeur (12 et 6 ans) puisque le père, Jessup, est aux abonnés absents depuis plusieurs mois - dealer de méthamphétamine, il a été libéré sous caution en attendant son procès, et sa famille ne l'a pas revu depuis lors. L'audience se rapproche, et la jeune fille apprend que Jessup a gagé son unique bien, la pauvre bicoque où ils survivent et le petit terrain boisé autour ; moralité : l'agence de cautions les expulsera sans recours et sans états d'âme si le fugitif ne se présente pas à la barre. Ree va se jeter alors dans une quête désespérée (et dangereuse) pour retrouver son père et lui rappeler ses responsabilités, le cherchant, sorte d'Arlésienne, (on ne le verra jamais) de cabane en abattoir, de proche en proche (tout le monde est apparenté dans ce coin perdu, où la consanguinité est une fatalité), en butte au secret et à l'hostilité. La scène est en hiver, dans les monts Ozarks, aux confins du Missouri et de l'Arkansas, région sans doute pittoresque à la belle saison pour y faire de la randonnée, mais d'une désolation pesante ici. Cette plongée dans l'Amérique rurale est tout aussi anxiogène qu'une incursion dans une détresse plus fréquente au cinéma, celle des ghettos noirs ou latinos des grandes villes - les "Petits Blancs" de ce "Winter's Bone" sont eux aussi très éloignés du "rêve américain" (s'enrôler semble être l'un des rares plans de carrière offerts à la jeunesse locale, prime d'engagement à la clé). Cependant la caméra, si elle ne cache rien du quotidien difficile, voire misérable, des personnages, sait n'en faire que la nécessaire description, sans complaisance et sans afféteries, sans effets tire-larmes, avec franchise mais aussi avec pudeur et même une indéniable tendresse : la part belle n'est pas au misérabilisme, il y a juste un contexte social et familial à installer, l'essentiel étant ailleurs - la réalisatrice Debra Granik réussit avec ce deuxième film un portrait saisissant, celui de Ree, de tous les plans ou presque (incarnée avec brio par Jennifer Lawrence) obstinée plus encore que courageuse, aussi taciturne qu'un vieux cowboy racorni, tout entière à son but attachée, superbe. Cette production "indé", Grand Prix à Sundance en 2010 (mais aussi "nominée" à quatre reprises aux Oscars 2011) mérite assurément le détour.