En adaptant la célèbre pièce de Georg Büchner, Werner Herzog signe un film étrange et pesant, tout empreint d'angoisse et de cruauté. Les personnages (capitaine, soldat, ivrogne, femme entretenue...) semblent étouffer, chacun à leur façon, sous le poids de questionnements sans réponse, sur l'éternité, la morale, la vertu... Seul le médecin, ridicule et odieux, est très sûr de son savoir, ne voyant en l'homme qu'un simple objet d'étude. Woyzeck, lui, est un "homme de rien", qui voudrait vivre en suivant les lois de la nature, mais que la société s'applique à brider et à humilier. Ses questionnements, avivés par la méchanceté des autres, se portent sur la fidélité de sa compagne, "belle garce sans le sou". Des questionnements qui vont le rendre fou. C'est le type de personnage que le réalisateur affectionne : à la marge, évoluant au bord de la folie. Et c'est le type de rôle parfait pour Klaus Kinski. Avec son visage halluciné et "traqué" (comme on dit dans le film), il est extraordinaire et n'a peut-être jamais été aussi touchant. Mais c'est sa partenaire, Eva Mattes, qui a été récompensée au festival de Cannes 1979 (Prix d'interprétation féminine dans un second rôle).
Aussi bien esthétiquement que thématiquement, Woyzeck présente par ailleurs un certain nombre de similitudes avec L'Énigme de Kaspar Hauser : image sèche, décor de petite ville allemande, rapport nature/culture, société oppressante, aliénante... Dans Woyzeck, les dialogues sont cependant moins réalistes, plus philosophiques, avec une dimension existentialiste plus violemment absurde.