Film vu par curiosité. Au tout début, je me demandais ce que je foutais là, imaginant le défilé de miséreux, et le décompte d'agriculteurs suicidés, qui allait s'ensuivre. Puis au bout d'une poignée de secondes, un poème testament récité sonne à nos oreilles, laissé par un de ces fameux suicidés qui bossent pour rien sur de vastes étendues de terres agraires qui ne connaissent majoritairement que la culture comme système social. Texte qui est un chant d'amour à la vie, au bon sens enraciné, à l'amour du positif, patience courtoise couvrant humblement la vérité du dur labeur, qui se conclut par approximativement "je laisse pendre mon corps, comme ultime preuve d'existence". Ils sont acculés massivement à la tragédie au rythme des saisons par une méthode "classique" de dettes. Un personnage refuse cela, ne fait rien, pauvre, dormant, écoutant sa musique, dédiant son temps au farniente, lucide des mécanismes de l'appauvrissement. Je me suis reconnu dans ce branleur, au bon coeur, livrant sa connaissance au pauvre héros du film: sauf que lui-même vit au crochet des ces gens qui luttent à mort, c'est là où le bas blesse pour lui, comme pour moi. La cupidité obèse de ceux qui les vampirisent et la cupidité famélique de qui n'a rien et dont la main se referme sur le vide ou le peu qui tiendra jusque demain, se rejoignent dans un même rétrécissement du temps, du sens, de la lumière du soleil, de l'obscurité qui repose. C'est un film qui parle d'aujourd'hui. Une leçon qui vient de loin. On voit arriver la baffe, sa main frêle avec peu de moyens, on la sent tout aussi bien. Fort.