"The passenger" est (déjà) la quatrième collaboration entre Jaume Collet-Serra et Liam Neeson. Et comme pour les autres, ce film revêt le genre du thriller d’action. En d’autres termes, on ne change pas une équipe qui gagne. En effet, l’espagnol et l’irlandais nous avaient offerts de bons divertissements, sans que ce soient pour autant les films du siècle. Cependant celui-ci se démarque par une entame placée sous une succession de saynètes, pour certaines répétitives. C’est assez déstabilisant, mais c’est une façon de nous montrer le quotidien routinier de celui qui va devenir malgré lui l’articulation d’une affaire que nul n’aurait imaginé. Le sujet n’est pourtant pas nouveau en soi, mais la façon de le traiter tient en haleine le spectateur. Bien qu’on se doute comment tout cela va se terminer, la véritable porte de sortie de cette curieuse affaire sera visible qu’au moment où elle sera ouverte suivie d'une pirouette assez jouissive. Avec "Non-stop", nous avions été embarqués à bord d’un avion pour un suspense tendu. Cette fois, nous restons sur le plancher des vaches, dans un train de banlieue parmi tant d’autres. Parmi tant d’autres ? Nooooon, un en particulier. Celui que Michael MacCauley (Liam Neeson) s’applique à prendre tous les jours depuis une dizaine d’années, et qu’il continue à emprunter malgré la perte récente de son job. Un coup dur pour lui et sa famille. D’autant plus dur que lui et sa femme ont des projets pour assurer l'avenir de leur fils, et qu’en plus, MacCauley approche méchamment de la soixantaine. Ce coup dur est magnifiquement mis en images par l’esprit qui divague alors que le boss s’époumone à prononcer un tas de vaines paroles rassurantes empreintes d’excuses, des justifications qui s’évaporent dans l’atmosphère du bureau devenue subitement étouffante. Et puis ce plan : sur le parvis de l’immeuble, l'ombre du personnage principal s’étale longuement sur le revêtement, comme pour signifier que ça y est, l’homme est à terre. Et puis vient cette folle proposition. Un deal de fou proposé par une femme inconnue pour des motifs inconnus, avec à la clé une hypothétique récompense salvatrice. Le dilemme est lancé. Perso, je décline d’entrée l’offre. D’abord parce que je suis quelque peu trouillard sur les bords, mais surtout parce que ça pue l’embrouille à plein nez ! Dans tous les cas, il y a de quoi se poser des questions et de ce point de vue-là, c’est plutôt bien démontré. Mais la proposition n’en est pas une. L’ambiance détendue se transforme en une fébrile curiosité, puis en piège implacable. Le récit est tendu juste ce qu’il faut, et on veut savoir ce qu’il va en être… parce qu’il a beau paraître fatigué, toute l’attention de Mac Cauley est piquée au vif, et celle du spectateur avec par la même occasion. Et c’est justement sur la tendance à lâcher prise de MacCauley que ces inconnus jouent pour obtenir ce qu’ils veulent. Le thriller est en place, et on peut lâcher quelques scènes d’action ici et là. Bon, on ne reviendra pas sur les scènes de castagne, peu crédibles, surtout entre un gars entraîné et un autre qui frise la soixantaine. D’ailleurs, il n’y a guère d’issue étonnante sur ces joutes, la logique étant à peu près respectée. A la différence près qu’il me faudra moins de la moitié des coups donnés pour que je me lance dans une opération ninja à réfléchir pendant trois jours (au moins !) sur ce qu’il vient de me tomber sur le coin du nez. La crédibilité du film n’est donc, comme souvent dans les films d’action, pas l’atout majeur de ce "The passenger". Mais le piège a tout de même fonctionné et le spectateur est pris de la même façon que les voyageurs. En mieux : non seulement nous ne risquons rien (à moins que le cinéma ne s’écroule subitement), mais en plus on veut savoir qui est cette fameuse personne qualifiée d’intruse. Cependant les scénaristes et le réalisateur brouillent savamment les pistes, et pourtant… quelqu’un de très observateur pourra deviner très tôt qui est cette personne tant recherchée. Oui le spectateur peut passer facilement à côté, surtout lorsque le principal de la scène se focalise sur un personnage plutôt qu’un autre, poussant ainsi LE petit détail au rang de… petit détail sans importance. En dehors de ça, c’est plutôt bien construit, à condition de ne pas trop tenir compte des quelques incohérences. La plus énorme ? Défaire un attelage alors qu’il est en pleine tension. C’est tout bonnement impossible. Il n’en reste pas moins que le déraillement du train (dont on a vu quelques extraits dans la bande-annonce) est très impressionnant. Là, il faut reconnaître que c’est du lourd. On notera aussi le soin apporté à la bande-son, notamment lors des bagarres. Le choc de la tête sur une barre métallique est si réel qu'on a mal pour lui. Le tout est parfaitement lié par un rythme maîtrisé, bien que le temps du film se déroule sur un temps nettement supérieur à celui qui est nécessaire pour aller du point A au point B désignés. En revanche, la musique passe relativement inaperçue. Je veux dire par là que je n’ai pas retenu la moindre thématique, mais je suppose qu’elle participe tout de même à la mise en place de la tension. "The passenger" est donc un divertissement honnête, sans être le film du siècle une fois de plus. Mais il marque une des collaborations les plus intéressantes entre Collet-Serra et Neeson, sans compter que finalement… les 106 minutes passent aussi vite que le train file sur les rails.