Ce premier long-métrage de Denis Villeneuve, dont le titre projette d'emblée dans un espace-temps parallèle, est un chronique de l'impossible, de l'inachèvement de nos vies (amoureuses, surtout), et de toutes nos idées qui ne prendront jamais vraiment corps. C'est donc, forcément, un film extrêmement mélancolique, qui se maintient dans une forme de doute, d'impuissance, qui rend l'écriture des personnages justes, et leur trajectoire attachante. Avec ce calendrier qui perd la tête, qui refuse d'enclencher le mois suivant, c'est tout le monde d'Un 32 août sur Terre qui parait refuser de faire le deuil de ce qu'il donne l'impression d'avoir perdu. D'ailleurs, cette distorsion temporelle m'amène même à me questionner quant aux conséquences réelles de l'accident de voiture de début de film.
Simone n'est t-elle pas morte, en fin de compte, le reste n'étant qu'imagination ? La suite du récit, alors, ne serait plus qu'un reliquat de ce qui aurait pu être, et ce postulat, que Villeneuve ne formule jamais explicitement mais que son scénario entrouvre forcément, charrie une terrible nostalgie.
Quoi qu'il en soit, j'aime beaucoup la pudeur qui se cache derrière la demande absurde et débridée qui déclenche le récit ; en définitive, cette bizarrerie si entreprenante n'est que la façon du personnage de dire à son ami de toujours qu'elle l'aime, peut-être même sans en avoir conscience elle-même. Et ce qui sous-tend cette proposition me parait aussi beau que vrai. En revanche, j'ai parfois eu plus de mal avec le traitement comique accolé à ce qui est in fine un drame avant tout. Certes, il est nécessaire à l'équilibre de l'ensemble, mais sur la fin, je l'ai trouvé quelque peu envahissant par moments, la musique et le montage s'avérant parfois trop brusques. Il y a aussi cette conclusion exagérée, qui tranche malheureusement avec la subtilité et la sensibilité ménagées jusque là pour tendre dangereusement vers le tire-larmes. Mais quand même, Un 32 août sur Terre reste une très belle proposition, sorte d'élégie dont le charme québécois m'a complètement bercé. Denis Villeneuve confirme, après l'étonnant REW FFDW, qu'il est un réalisateur bourré de talent.