Je dois avouer que le film me hante encore, que je ne me suis pas remis de mon choc d'hier soir : ça me fait la même chose que pour «Breathless» l'année dernière en pire... «L'étrangère» c'est l'histoire d'Umay, une jeune turque qui s'en va en Allemagne rejoindre sa famille pour fuir, avec son fils, un mari violent. Son arrivée ne se passe pas comme elle l'avait imaginé, son choix de destinée fait débat et déshonore la famille. La jeune femme va alors tout au long du film se chercher une place en sécurité, un endroit, des bras ouverts, pour elle et son fils en perpétuels mouvements comme étrangers à chaque lieu qu'ils visitent... Le film pose des questions pertinentes et profondes, des questions sociales et universelles qui peuvent déranger sur la communauté, la tolérance, la liberté, l'humanité. Saisissant de voir que cela existe encore de nos jours et à ce point, qu'un désir de liberté signifie tant une opposition, le portrait de cette femme en illustre clairement d'autres, un parcours semé d’embûches. Feo Aladag signe là un film sans aucune concession, dur de bout en bout, un poil démonstratif mais au combien maîtrisé. Un récit linéaire et cohérent qui contient quelques montées d'intensité surpuissantes, qui vous assomme à chaque fois un peu plus... Sa caméra se pose pourtant sur chaque personnages sans les juger, sans les blâmer, elle les observe de loin puis de près, nous incite à réagir... La mise en scène est impeccable, ce qu'il faut de réalisme et d'inspiration, il en va de même pour la bande originale sublime et qui sait se faire discrète quand il le faut... Si son film est si marquant peut-être, au delà de ses qualités incroyables de réalisatrice et de ce scénario si bien ficelé, c'est que ses acteurs sont tous d'une justesse phénoménale. Un casting qui soulève le film vers l'excellence la plus totale, les parents sont extraordinaires, Sibel Kekilli époustouflante, elle transpire la douleur de son personnage, lui donne une force et une fragilité impressionnantes. Les superlatifs vont à un moment donné me faire défaut, mais on a là un véritable film coup de poing, à ne pas mettre sous tous les yeux, car réellement dur. La réalisatrice nous met le tête sous l'eau dès le début et les bouffées d'oxygène sont bien rares (mais appréciables), car l'ambiance est lourde, très lourde... Le final nous achève, nous démolis... Et nous reste en tête encore et encore... C'est magnifique mais terriblement difficile aussi...