on lit régulièrement ici que certains films s'apparentent à des expériences sensorielles ; essayez voir de tenter celui-ci si vous l'osez. Même si le scénario est bel et bien existant, important même (il s'agit de questions très importantes en Corée : l'enjeu est de faire exfiltrer, afin de les faire se retrouver, deux époux séparés par la guerre), dès que l'histoire se met en place, ce socle se dérobera sous nos pieds. Sans qu'on en sache rien en entrant dans la salle, on sera entraîné aux confins de l'intime sous les apparences d'un road trip d'une tristesse froide et d'une désolation insondable sur les routes enneigés de Corée. Les limites connues s'effaceront à mesure qu'on s'enfoncera dans les paysages couverts de givres et de buées ; on cheminera à même les questionnements du personnage principal ; investigations aux limites de l'extrême existentiel. Plongée d'entrée au coeur du montage d'un film qui peine à se boucler - premières images. Kim reçoit un appel, et c'est parti pour un voyage intérieur, de Busan à son village natal, dans les provinces reculées de Corée. Jamais un film aura porté si bien son nom. On naviguera à vue, entre-deux ; on sera perdu ; passages indéterminés. Comme Kim, dont la quête sera dérivée dès lors qu'il croisera la jeune fille pour la suivre, nous dériverons avec lui. Mais en dehors, comme la jeune fille qui restera définitivement totalement indifférente à ce type qui a décidé sans savoir exactement pourquoi, de la suivre, de lui servir de chauffeur jusqu'à Taebaek. Et le film ira jusqu'au bout de l'inachèvement, de la gerçure, de la solitude, du silence, de la monotonie, de l'effacement, des griseries alcooliques : les quêtes apparentes et les quêtes tues, sous jacentes ne conduiront qu'à l'échec et la solitude la plus nue. Kim aura beau arpenter le dédale de ruelles de Sokcho, il ne retrouvera jamais la maison du photographe. Et le bus qu'on assure direct à Kim au guichet, ne nous épargnera nous non plus aucun arrêt, on se tapera toutes les stations, inévitables, comme par exemple celle de l'ennui. Et pourtant, c'est d'une beauté confondante