Après une « Agence tous risques » version ciné oubliable, Joe Carnahan revient sur les écrans avec un survival sans pitié, « Le Territoire des Loups » (« The Grey »), qui nous offre malgré quelques maladresses un spectacle anxiogène au suspense permanent.
Le point de départ du film n’est pas sans rappeler celui des « Survivants » de Frank Marshall, qui racontait l’histoire vraie de rescapés d’un crash aérien dans la Cordillère des Andes, contraints à consommer la chair de leurs défunts camarades rugbymen pour survivre alors que les secours les croyait morts.
Dans « Le Territoire des Loups », c’est un groupe d’employés virils d’une compagnie pétrolière qui voit son avion s’écraser dans l’Alaska, sans espoir de se faire repérer. Parmi eux, John Ottway, dont le job est de chasser les loups pendant les forages, va jouer les leaders charismatiques et tenter de guider ses compères survivants en territoire hostile. Perdus au milieu de nulle part, dans le froid et sous la neige, ils comprennent qu’il va falloir vite décamper quand une meute de loups pas franchement contents de voir des hommes sur leur territoire commencent à décimer le petit groupe un par un.
C’est Liam Neeson qui incarne ce chasseur chassé ayant bien des difficultés à se remettre de la mort de sa femme. Un rôle qui renvoie à l’histoire personnelle de l’acteur irlandais dont la femme est décédée dans un accident de ski il y a quelques années au Québec. S’il avait été à l’origine pensé pour un trentenaire – son partenaire de « L’agence tous risques » Bradley Cooper – il faut avouer que son aîné y est extrêmement convainquant. Neeson est décidément très à l’aise dans le registre de l’action man badass depuis « Taken », même à l’aube de ses 60 ans. Son charisme et la puissance de son regard suffit à rendre son personnage très crédible et attachant.
Le film s’avère très efficace pour installer une bonne dose de suspense et d’angoisse sourde, renvoyant ses protagonistes à la peur primale de se faire bouffer (même si, en l’occurrence, les loups se « contentent » de les tuer). Les scènes de face à face entre le groupe de survivants et la meute de loups par exemple, sont à ce titre particulièrement bien réussies, comme quand on devine les bestioles, hors champ, et qu’on les entend s’approcher en grognant dans la nuit, ne devinant que leurs yeux brillants à la lumière du feu. Les scènes d’attaques sont maîtrisées et, logique, d’une grande bestialité. Mais les morts ne surviennent pourtant pas toujours de la façon qu’on pourrait imaginer, puisque la nature hostile peut se charger du boulot à la place des loups.
« Le territoire des loups » nous emmène entre plaines blanches, gouffres profonds, torrents glacés et forêts immenses, et nous offre des scènes d’action impressionnantes et bien réparties au fur et à mesure que l’histoire avance. Les attaques peuvent survenir à tout moment : un suspense véritablement éprouvant quand on se met à la place de ses quelques hommes en attente de leur triste fin, qui tentent malgré tout d’avancer dans un espace où les menaces sont omniprésentes. Là où un « survival » classique aurait pu laisser poindre l’espoir pour quelques uns de ses personnages de s’en réchapper, celui-ci nous fait vite comprendre que tout espoir est inutile et qu’ici règne la cruauté et la mort. Un pessimisme profond qui fait figure d’exception.
Là où le film convainc moins, en revanche, c’est dans sa peinture des relations humaines : l’homme est un loup pour l’homme, c’est bien connu. Les conflits et disputes inutiles et stériles sont monnaie courante dans les moments de crise, et la bêtise des hommes est sans doute l’une de ses principales menaces. Le constat a beau être juste, les seconds rôles sont un peu trop caricaturaux et pas assez écrits pour qu’on y trouve quoi que ce soit d’original. « The Mist » était notamment bien plus efficace et subtil dans sa description des relations humaines. Par ailleurs, les scènes d’émotion sont souvent aussi un peu maladroites, comme celle de la tentative de suicide d’Ottway, avec moult flashbacks sur sa défunte épouse, dispensables.
Néanmoins, la scène finale fait oublier ces quelques défauts en nous jetant, ce qui est rare, l’absence de Dieu à la figure et la sauvagerie originelle comme ultime planche de salut. L’interprétation de Liam Neeson, en « Man vs Wild », y est simplement parfaite. À noter qu’il faut bien rester jusqu’à la fin du générique pour découvrir une petite surprise.