Probablement le réalisateur espagnol le plus extrémiste et le plus déjanté de sa génération, ALEX DE LA IGLESIA puise ses inspirations, a la manière d’un KEN LOACH, dans les tares socio familiales (« le crime farpait » « mes chers voisins » « la chambre du fils »), la misère sociale (« 800 balles ») et les ravages des politiques publiques (« le jour de la bête » « perdida durango »).
Avec BALADA TRISTE il explore les heures sombres de la guerre civile et les conséquences d’une société marquée au fer rouge du franquisme, avec un style moins naturaliste et moins radical que son homologue anglais, préférant la métaphore grossière au choc brut et frontal. En pleine Guerre civile espagnole, un clown est recruté de force par les troupes républicaines. Cruel, il massacre des combattants nationalistes à coup de machette avant d'être arrêté puis détenu. Il ne laissera qu'une consigne à son fils, un gage ultime de bonheur: la vengeance. Des années plus tard, son fils, Javier, devenu clown à l'instar de son père est engagé dans un cirque dominé par Sergio. Nous sommes à la fin de l'ère franquiste, en 1973. Les deux clowns, l'un triste, l'autre Auguste, vont se livrer une bataille sanglante pour conquérir le cœur d'une belle acrobate, Natalia. Avec DE LA IGLESIA on est toujours (très) loin des clichés hollywoodiens véhiculés par des images glamour. L’univers du cirque est propice a un défilé de « gueules », servi par une photographie, une intrigue et une mise en scène qui ne sont pas sans rappeler celles du « affreux, sale et méchant » (1976) de Ettore SCOLA (Dans un bidonville à Rome, Giacinto règne en tyran sur sa nombreuse famille, ou tous acceptent son autorité et sa mauvaise humeur, car le patriarche possède un magot que chacun espère lui voler).Mais la peinture au vitriol de LA IGLESIA , bien qu’extrêmement corrosive , va beaucoup plus loin dans l’émotion que son approche subversive , intronisée par la première partie (le clown combattant les républicains a la machette est jouissif !) , ne le laissait imaginer.
B.T. alterne les scènes de violence pure, de gore et de sexe, avec des scènes d’un romantisme déconcertant, un véritable ascenseur émotionnel entre rires et larmes, vagues a l’âme et haut le cœur. En deux scènes qui ouvre (le clown au sol prêt a être achevé et qui asperge son bourreau avec ses fleurs plastiques) et clôture (dans le véhicule de police l’auguste et le clown triste exacerbe leur personnage) le film ALEX DE LA IGLESIA exalte son amour du 7eme art, et avec ce BALADA TRISTE, véritable ode romantique il nous livre son œuvre la plus aboutie.