Des travelings qui suivent des élèves dans les couloirs d'un lycée tout en béton et en baies vitrées, accompagnés par une musique planante ; des scènes qui sont rejouées sous des angles différents, découvrant un autre point de vue, ça ne vous rappelle rien ? Fabrice Gobert ne s'en cache pas, puisqu'il cite Gus Van Sant parmi ses références : formellement, son premier film ressemble furieusement à "Elephant". Il a choisi le lycée de Bondoufle pour sa ressemblance avec celui de la région de Portland où G.V.S. avait reconstitué Columbine, et la musique de Sonic Youth rappelle celle d'Hildegard Westerkamp.
Formellement seulement, car les ados filmés par Gus Van Sant étaient taciturnes, n'avaient aucune communication avec les adultes et semblaient isolés dans leurs bulles. Ce silence était souligné par la longueur des déplacements dans les couloirs filmés en traveling, avec parfois une mise au point faite délibérément plus loin qu'eux. Chez Fabrice Gobert, pas de mélancolie pour ses jeunes personnages, même pour le souffre-douleur de service. Ils tchatchent tout le temps, avec des dialogues dignes de "Plus belle la vie" et (pas pour tous) le jeu qui va avec.
Pour son premier long métrage, Fabrice Gobert a choisi une forme plutôt ambitieuse : un découpage en quatre parties, chacune centrée sur un personnage (Jérémie, celui qui introduit les fausses pistes, Alice, celle qui finirait Prom Queen si elle était aux Etats-Unis, Jean-Baptiste, la tête de Turc qui aurait été geek si le film se déroulait vingt ans plus tard, et Simon, dont le mérite principal est de figurer dans le titre). Ce n'est pas non plus le comble de l'originalité ; sans remonter à "Citizen Kane", Tarantino ou Gonzales Inarritu nous ont depuis largement habitués à ce procédé.
Visiblement, le réalisateur a longuement réfléchi à son film, et on ne peut pas lui en faire grief. Chaque partie est filmée de façon différente : ainsi, celle consacrée à Alice privilégie les longues focales pour mieux isoler la star du lycée, avec même un projecteur isolé sur elle. Il a voulu aussi démarquer ses personnages des stéréotypes qu'ils incarnent : le sportif a la jambe dans le plâtre, la belle gosse cartonne en philo, l'intello est nul en maths... Malheureusement, cette réflexion se fait omniprésente à l'écran : la lumière se veut tellement signifiante qu'elle dégouline dans le cadre, la caractérisation des personnages se fait au prix de digressions qui dispersent le récit, et la situation dans les années 90 se limite à une affiche de Noir Désir et à la chemise à carreaux de Jean-Sébastien.
Le principal reproche réside sans doute dans la résolution de l'énigme de la disparition de Simon Werner. On peut comprendre la volonté d'opposer cette banalité aux fantasmes véhiculés par la rumeur ; on devine qu'il y a derrière cela un message du type McGuffin : peu importe ce qu'on raconte, ce qui compte, c'est comment on le raconte. Mais le spectateur ne peut adhérer à une telle démarche que s'il a été préalablement conquis par la virtuosité formelle. Ici, c'est loin d'être le cas, et dédoublement du récit se transforme en étirement, changement de point de vue en installation progressive de l'ennui, et quand arrive la pirouette finale, notre questionnement se limite à "tout ça pour ça ?"
Critiques Clunysiennes
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