Une guerre. En Afghanistan ? Un homme seul, effrayé, mais décidé à tuer. Un taliban ? Jerzy Skolimowski, le réalisateur, ne donne pas de précisions contextuelles, mais évoque en quelques scènes sèches les pratiques barbares de l'armée US et en quelques flash-back (un peu trop ouatés et musicaux) l'endoctrinement et la folie meurtrière d'un musulman lambda. Deux monstruosités. Pas de parti pris. La suite, minimaliste, est une chasse à l'homme, du point de vue de l'homme traqué. La fuite, la survie. La peur, la souffrance. Skolimowski donne à son film une orientation déroutante, mais assez fascinante. Où se mêle action et abstraction. D'un côté, le réalisme cru, la violence, quelques scènes fulgurantes (l'attaque de la femme qui allaite, entre autres). La mise en scène tendue, très "physique", capte le danger, la douleur, avec une attention particulière aux éléments naturels, à la forêt hostile, glaciale, rugueuse. Et Vincent Gallo, dans un rôle muet, brut, donne à son personnage une incroyable intensité, de plus en plus animale. D'un autre côté, le film est sous-tendu par une veine un peu absurde et comporte aussi une dimension métaphorique, vaguement mystique, syncrétique, entre références à l'islam et au christianisme. Le personnage de Vincent Gallo, au look plus christique que jamais, effectue son chemin de croix, tout en ayant des réminiscences de son enseignement islamique et une prescience de son avenir (deux ou trois flash-forward étonnants). Au final, Essential Killing s'impose comme une expérience mystérieuse, audacieuse, radicale.