Dans le futur, la plupart des villes sont devenues des cités mouvantes, se déplaçant au gré des ressources qu’elles trouvent. Celles-ci étant rares, une hiérarchie s’instaure entre les villes et des « cités prédatrices » voient le jour. Londres est de celles-ci, dirigée d’une main de fer par le maire Magnus Crome (Patrick Malahide), elle chasse toutes les petites villes minières et commerçantes dont elle peut s’accaparer les ressources. Mais sur sa nouvelle prise se trouve une jeune fille, Hester Shaw (Hera Hilmar), aux motivations mystérieuses, dont le but est d'assassiner le puissant ingénieur londonien Thaddeus Valentine (Hugo Weaving, grandiose). Avec l'aide d'un historien de la ville destitué de ses fonctions (Robert Sheehan), elle va changer le cours de l'histoire...
La surprise vient toujours de là où on ne l’attend pas. C’est ce que semble nous dire Christian Rivers, avec son adaptation de Mécaniques fatales, premier tome d’une saga littéraire très dense signée Philip Reeve. Tout était là pour nous faire craindre un film sans saveur et sans personnalité, tant les bandes-annonces peinaient à faire ressortir quoi que ce soit d’intéressant d’un magma d’imagerie numérique, dont on avait toutes les raisons de croire qu’il nous ferait exploser les yeux, et au sein duquel on avait tout lieu de croire que se perdraient des acteurs inconnus tentant vainement de donner vie à des personnages inexistants. C’était s’être bien mal renseigné sur le film…
Non seulement produit, mais également écrit par Peter Jackson, le film de Christian Rivers réunit en réalité toute l’équipe habituelle de son producteur, du Seigneur des Anneaux au Hobbit en passant par King Kong. Superviseur des effets spéciaux fidèle à Peter Jackson depuis son premier film, brièvement passé par la case Disney (Le Monde de Narnia, Peter et Elliott le dragon), Christian Rivers nous a en réalité démontré depuis belle lurette qu’il est un maître dans la création d’images et dans la maîtrise d’un univers dense et très travaillé. C’est donc tout naturellement qu’il nous le prouve à nouveau, en officiant cette fois au poste de réalisateur. Et le résultat est tout bonnement hallucinant.
S’appuyant sur des effets spéciaux à couper le souffle, d’une totale crédibilité, Rivers montre ses muscles dès une brillante scène d’introduction, immersive à souhait et spectaculaire. A cette image, c’est d’ailleurs tout le film qui sera véritablement dantesque, nous offrant une impressionnante succession de scènes d’action toutes plus éblouissantes les unes que les autres, et qui restent toutes gravées dans la mémoire, portées par une bande-originale épique et d’une rare puissance quasi-wagnérienne, qu’on n’attendait pas de la part de Tom Holkenborg (plus connu sous le pseudonyme du tapageur Junkie XL). Par l’ampleur de mise en scène dont témoigne Rivers et la qualité des effets spéciaux, l’univers steampunk auquel on est convié prend donc parfaitement vie sous nos yeux émerveillés, multipliant les trouvailles visuelles avec une générosité qui force l’admiration.
Pour autant, le film n’est certes pas parfait, et l’on pourra reprocher à Peter Jackson et ses coscénaristes une intrigue par trop laconique, où les personnages ne sont pas aussi développés qu’ils auraient pu l’être et où certains rebondissements revêtiront un fort air de déjà-vu (on se demande encore la raison d’être de cet étrange semi-plagiat de Star Wars qui clôt le film). On appréciera toutefois que le scénario sache poser des bases solides à son univers en exposant de manière courte mais efficace un contexte géopolitique facile à appréhender mais tout de même travaillé.
Par la grâce d’un casting aussi excellent qu’inconnu, on s’attache aux différents personnages malgré leur écriture rapide, le caractère se révélant d’autant plus étoffé que les scénaristes ont l’intelligence de leur avoir donné une histoire antérieure au récit, dont on ne saura jamais plus que quelques noms jetés ici et là, mais qui leur donnent ainsi une vraie épaisseur en quelques lignes de dialogues bien senties.
Ainsi, même si le scénario, simple mais jamais simpliste, n’est pas dénué de certaines failles, il permet au film de fonctionner à merveille, en nous immergeant comme seul Peter Jackson et quelques autres grands (Spielberg et Cameron) ont le secret dans un univers si riche, suffisamment éloigné de ses influences pour fonctionner sans elles, qu’au sortir du film, on n’a guère qu’une seule envie : replonger dedans le plus vite possible !