Depuis des millénaires, le cheval a joué un rôle crucial dans l'histoire de l'Humanité, tant dans le transport, le travail, ou la guerre. Sorti très peu de temps après Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne, Steven Spielberg rend avec Cheval de Guerre un digne hommage à cet allié de l'Homme, que ce soit dans la vie, dans la mort ou dans la sueur. Tombé sous le charme du roman éponyme de Michael Morpurgo, le réalisateur se lance alors dans un projet inédit jusqu'ici dans sa carrière, à savoir filmer la première guerre mondiale. Mais contrairement à la poigne, au réalisme effrayant et à la violence de Il faut sauver le soldat Ryan, Spielberg réalise son Cheval de Guerre avec une approche plus intimiste et familiale, comme le suggérait le script original. Après E.T l'extraterrestre, il s'agit cette fois d'une amitié entre Joey, jeune étalon, et Albert, son tout aussi jeune propriétaire, que la guerre va arrachée l'un à l'autre. Attachant, innocent et symbolique, il est difficile de ne pas se prendre de tendresse pour ce cheval fougueux, parcourant un vieux continent meurtri qui n'est plus que guerre, chair à canon, peur, et mort. On se laisse emporter dans sa chevauchée acharnée, qui retentit dans le no man's land comme un cri d'espoir face à la bêtise humaine. Un thème cher au réalisateur tout comme le courage, le sacrifice, et l'amitié inconditionnelle malgré les obstacles, qui rythment le long-métrage et qui touchent le spectateur avec simplicité et justesse. Les mauvaises langues parleront de mièvrerie et de bons sentiments, là où il faut juste savoir apprécier d'une âme légère cette fresque tendre et épique. Des premières bobines avec la paisible et verdoyante campagne britannique, jusqu'aux bruits fracassants des champs de batailles, le long-métrage surprend par une maîtrise visuelle et technique casi-parfaite, de la merveilleuse photographie crépusculaire de Janusz Kaminski, accompagnant les décors pointilleux et les paysages superbes, aux chevaux formidablement bien dressés, à la bande son lyrique et mémorable de John Williams, jusqu'au talent toujours bien vivant de Spielberg, offrant des plans spectaculaires avec des travellings bien pensés. Le recours au numérique est assez minime, un choix très appréciable car Cheval de Guerre en aurait perdu de son charme et de son esthétisme authentique. Si l'art du cinéaste à réaliser des scènes de batailles féroces n'est plus à débattre, il saute aux yeux que Spielberg a volontairement voulu éviter toute violence outrageuse (pas de tripes à l'air, ni d'effusions de sang excessives) afin de préserver son jeune public, sans pour autant édulcorer l'horreur de la guerre. C'est aussi le cas lorsque survient la mort de certains personnages, sans violence mais pas sans puissance, utilisant pour ça subtilement le hors champ. Dommage néanmoins que les personnages secondaires ne parviennent jamais vraiment à nous inspirer de l'affection à leur égard, trop vite expédiés et insuffisamment fouillés peut-être, apparaissant les uns après les autres par épisode, marqués tour à tour, de différentes façons, par l'étalon qui croisa leur route. Une structuration du récit qui a ses défauts mais qui est toutefois intéressante, puisqu'elle permet d'explorer une large gamme de personnages, qu'ils soient civils, riches ou pauvres, ou bien soldats, hauts gradés ou troufions, allemands ou anglais. Malgré ça, le spectateur aura du mal à détourner son intérêt de Joey, l'animal ayant pourtant face à lui un casting international alléchant (David Thewlis, Niels Arestrup, Tom Hiddleston, Emily Watson, David Kross...), malgré une petite fausse note du côté de l'acteur débutant Jeremy Irvine dans le rôle d'Albert, pas mauvais en soi mais pas mémorable non plus. On regrettera aussi certains dialogues assez pauvres et caricaturaux, qui plombent un peu le scénario. Mais bien qu'imparfait, Cheval de Guerre est, sans être non plus le chef d'oeuvre espéré, l'aboutissement d'un défit cinématographique d'envergure que M. Spielberg a su relevé avec talent et un classicisme assez savoureux, comme ce final tout beau tout mielleux, sans originalité peut-être, mais dont le spectateur meurt d'envie après toutes les épreuves endurées par Albert et Joey pour se retrouver. C'est peut-être ça aussi, la magie Spielberg, parvenir à nous faire vibrer, la larme à l'oeil, sans pour autant s'éloigner des sentiers battus du cinéma classique. Il parvient ainsi à trouver l'équilibre improbable entre film de guerre et film familial, évitant la naïveté comme la tragédie. On peut lui en faire la reproche bien sûr, compte tenu du désastre qu'à été la guerre de 14-18, ou alors se laisser tout bêtement emporter dans ce conte aussi dangereux qu'émouvant. J'ai déjà choisi mon camp.