La fin fait penser à « Autant en emporte le vent » avec ce ciel rougeoyant. Et si il n’a pas la force d’un récit aussi grandiose, le film de Spielberg en recycle les concepts. L’attachement à la terre, l’identité, le territoire comme socle, berceau, lieu de naissance,… Il exalte les valeurs de l’effort, la patience, la dureté de la tâche, c’est un cheval de trait, et un cheval de course, il est à la fois ce qui a de plus difficile dans la vie, ce qu’il y a de plus ingrat, et représente le rêve, l’échappée, l’envolé lyrique. Il y a de superbes plans larges des landes du Devon, verdoyante, et du no man’s land, l’envers cauchemardesque de la campagne anglaise. Ceci dit, ça fait film pour enfant, mais l’émotion étreint notamment lorsque Albert reconnaît son cheval, et le décrit au milieu d’une masse de soldats, et lui donne ce qui désigne un être vivant, une unicité, alors que tous les soldats autour sont indifféremment des combattants qui mourront au champ de bataille en tel nombre qu’on n’a le sentiment que aucun d’eux ne porte une histoire personnelle, individuelle. C’est comme ET c’est un doudou, mais pour les grandes personnes. Il traverse le film, et il en est le héros, le dressage lui donne un caractère, comme quoi l’apprentissage fait l’individu. On peut regretter que par moment on souffre avec lui de manière plus forte que pour les souffrances humaines, mais Spielberg n’occulte pas les horreurs de la guerre, deux allemands se font fusiller, côté anglais on demande à un soldat de tirer sur tous les déserteurs qui reviennent dans la tranché. Il humanise les deux camps qui se font face, face à face, comme la pièce de monnaie sur laquelle figure le kaiser, quand il est entravé dans les barbelés, deux hommes de chaque camp se réunissent pour le délivrer, libérer un animal, innocent : c’est pas « au hasard Balthazar » de Bresson, mais c’est vrai que le comportement que l’on a à son égard, définit son degré d’intelligence et de dignité. J’ai pas compris l’histoire des pigeons voyageurs : ceux qui rentrent le plus à la maison en évitant de regarder la guerre : à mon avis, métaphoriquement, ça désigne que les soldats les plus attachés à leur patrie, qui traverseront la guerre en faisant taire en eux ses souffrances, ceux-là gagneront la guerre.