L'originalité de l'intrigue tient dans l'évocation de la Première Guerre mondiale à travers l'histoire d'un cheval, fil conducteur du récit, révélateur d'une humanité en souffrance, en ces temps de "boucherie héroïque", comme disait Voltaire. C'est précisément dans les scènes de bataille (à cheval ou dans les tranchées) que le réalisateur se montre le plus inspiré et le plus convaincant. Dans des décors parfaitement reconstitués, il signe une mise en scène fluide et ample, tantôt épique, tantôt poétique. On retiendra deux scènes en particulier : la charge des cavaliers anglais sur leurs montures, face aux mitrailleuses allemandes (belle idée de plan montrant les chevaux finissant seuls l'assaut), et le sauvetage de Joey, pris dans les barbelés sur le no man's land, par un soldat britannique et un soldat allemand.
Hors des champs de bataille, Spielberg se montre malheureusement plus maladroit. Il tarde à lancer vraiment son histoire (le début du film est trop long) et surtout il se laisse aller à une mièvrerie facile, où les bons sentiments sont servis à la louche, appuyés par le jeu des acteurs (Jeremy Irvine et Peter Mullan notamment) qui sont parfois moins subtils que les chevaux (excellemment dressés). On a donc droit à un chapelet de scènes gentillettes célébrant l'amitié entre l'homme et l'animal, valorisant le courage et la dignité, dépassant les problèmes de communication (puisque tous les Allemands et les Français, dans le film, parlent couramment anglais...). Sans oublier quelques images d'Épinal. Le tout bercé par une musique très lyrique de John Williams.
Paradoxalement, le cinéaste a donc sorti l'artillerie lourde non pas pour filmer les batailles, mais pour saisir le quotidien. L'esthétique de la séquence finale, digne d'Autant en emporte le vent, sur fond de ciel flamboyant, est vraiment pompière. Simplicité et sobriété auraient probablement mieux servi l'émotion...
Au final, ce Cheval de guerre, dans sa tonalité, dans son style, apparaît comme un film d'un autre âge.