Bon, je me trouve face à un gros paradoxe... Le voici : pour moi, les 2h20 de film n'ont jamais été un calvaire. Cependant, je vois mal comment les défendre. Intellectuellement parlant, ce film, c'est ce qu'il y a de pire. Et ça, on s'en rend compte d'entrée, quand on demande à la bonne si elle n'avait pas rêvé de faire autre chose de sa vie. Sérieusement ? Poser une question pareille équivaut à penser que les noires, faire le ménage et tout, récurer les toilettes, elles adoraient ça, qu'elles ne pouvaient pas espérer mieux. Moi, je prends ça pour un vrai outrage à l'intelligence. Et pour un vrai outrage pour toutes les noires qui ont servi de bonnes. A partir de là, moi qui pensais me montrer cool envers un film qui s'annonçait mielleux à l'avance, je perds les trois quarts de mon envie d'être conciliant. Le sujet du film, la ségrégation. Pourquoi pas ? Mais, pourquoi l'avoir fait comme ça ? Parce que, sincèrement, le coup des toilettes et compagnie, ça fait au moins, je dis bien au moins, 30 ans qu'on est au courant de ce genre de trucs. Au moins 30 ans qu'on sait que les blancs croyaient dur comme fer que les noirs avaient des maladies bizarres. La ségrégation, à l'instar de l'esclavage, c'est un sujet usé jusqu'au trognon. Alors, des nos jours, si on veut le traiter, autant le faire d'une façon originale. En essayant de créer quelque chose. Comme l'avait Jordan Peele en usant de l'hypnose dans "Get Out", par exemple. Parce que là, concrètement, ça n'apporte rien. Absolument rien. Faire témoigner des noires en leur demandant de raconter leur histoire ? Pareil, c'est du vu et revu. Tout ça, ce n'est que parler dans la vide. Ensuite, passons un peu au manichéisme. En la matière, on tient vraiment du lourd. Les blanches, ce sont toutes des méchantes. A part deux, elles ne veulent que le mal. Et en plus de ça, certaines sont vraiment bêtes à manger de la paille. Ce sont limite les pendants féminins de Machiavel. Alors que les noires, elles, elles sont gentilles, elles sont intelligentes, de vrais anges tombés du ciel. Finalement, cette "Couleur des sentiments" qui se voulait être un réquisitoire contre la ségrégation parvient, bien malgré elle, à faire du racisme anti-blanc. C'est carrément déshabiller Paul pour habiller Jean. Avec un film pareil, jamais un(e) raciste convaincu(e) ne changera son fusil d'épaule. Moi, ce que je me dis au final, c'est que ce film-là, a un apport complètement inexistant. Il n'apporte rien au sujet qu'il aborde. Pire encore, il dessert considérablement la cause qu'il prétend défendre. Tout comme il n'apporte rien au cinéma qui se passerait bien volontiers de telles oeuvres. Désolé, mais un thème comme la ségrégation appelle à l'intelligence lorsqu'on décide de l'aborder. Et l'intelligence est ici aux abonnées absents.