Ne jamais rester sur son spoil.
C'est bien le genre de films qu'on peut assimiler à une fresque. Gros bloc de 3 heures, avec un contexte à la fois historique et politique particuliers, on suit ce prince, « Guépard », dans une Sicile d'antan, fraîchement libérée, vivre sous la métamorphose d'une Italie de plus en plus moderne.
Il faut avouer qu'il est assez compliqué de se situer totalement les enjeux de l'histoire dès le début, et pendant une petite demi-heure je dois avouer que j'ai tâtonné. Et puis, d'un coup comme ça, ça m'a emballé.
Il y a tout en fait : rarement une histoire aussi politique j'ai envie de dire m'a autant fasciné, suivie par ce prince, sorte de partisan du « c'était mieux avant » qui va refuser la modernité et l'imposition de l'Italie sur la Sicile, toute son évolution est aussi belle que significative, une mise en scène absolument sublime, les paysages de cette Sicile profonde, ces petits villages délabrés où tout le monde se prend « pour des Dieux » sont magnifiques, parfois ces petites touches d'humour qui, dans un film pareil, sont les bienvenues, des acteurs au sommet, évidemment un énorme coup de chapeau à Bruce Lancaster, découverte pour moi, prodigieux dans son rôle, bouleversant sur la fin...
A ce titre il y a un lot de scènes qui m'ont énormément plu, bon évidemment la révolution au début, la rencontre Cardinale/Delon, la scène est très réussie, les deux scènes de dialogues entre Lancaster et Reggiani également, une vraiment excellente dans les dialogues (politiques en vérité) entre le Prince et Chevalley, très intéressante analyse du rapport de force Sicile/Italie, et politiquement c'est franchement pertinent (c'est là que le Prince dit « nous étions les Guépards »), et bien évidemment la (très) longue scène du bal, 45 minutes, à voir d'un côté ce bal mondain où sont encastrés Cardinale et Delon, lui qui comme le dit Concetta a « changé » par rapport au début (c'est bien Delon qui résume la tournure historico-politique du film en fin de compte, le révolutionnaire garibaldien pour l'indépendance de la Sicile qui va finalement rejoindre l'armée d?Italie et accepter et même promouvoir l'imposition), et à côté de ça le Prince, le Guépard, Lancaster, seul, qui ère devant cette nouvelle génération trop éloignée de lui, lui qui regarde ce tableau voyant un mourant sur son lit de mort et les témoins tristes à côté... Splendide ce moment. Et cette toute fin, lui s'enfonçant dans une petite ruelle sombre, suffisamment symbolique je pense.
Bon tout un tas de scènes, mais ça reste un tout, l'ambiance, l'histoire, les enjeux, l'évolution (aussi quand on passe du jeune couple dans le palais magnifiquement décoré et plus tard le palais délabré, ah cette transition !), aussi triste que dénonciatrice, comme le père de Cardinale qui ne semble évidemment pas à sa place, sorte de gros beauf intenable et avide de pouvoir pas vraiment fait pour s'intégrer dans le milieu aristocratique, bon j'arrête de citer des points précis voilà un tout, une monumentale fresque de la part de Visconti. C'est en savourant des morceaux comme ça que l'on se dit qu'une Palme d'Or peut servir à quelque chose...
Pour finir je dirais qu'en voyant ce film j'ai osé la comparaison (je l'ai trouvée sur Internet donc bon au pire je ne serais pas le premier à faire ça) avec le Parrain de Coppola, enfin pas dans son côté « mafieux » mais fresque, et surtout l'image même du héros, ce Parrain, Guépard, qui, malgré ses mauvaises tournures, intimide toujours, je veux dire à un tel point des monstres comme ça on en voit peu finalement, voilà. Bon sur la comparaison j'arrêterai là car sinon je serais amené à en privilégier et à descendre l'autre et ce n'est pas franchement le but ici...
Bref donc ce Guépard est bien un grand film, un très grand film même, une petite demi-heure indécise passée et pendant 2h30 on retient son souffle, voilà c'est génial quoi, je me réduis à dire ça malheureusement mais il n'y a rien d'autre, passionnant (et pourtant me dire qu'un film de 3 heures sur l'histoire sicilienne des années 1850 me passionnerait autant, j'aurais émis de grosses réserves...), comme maintenant beaucoup de réalisateurs italiens de cette époque : premier film, coup de maître.