Sublime est la mise en majesté des tressautements de l'âme humaine chez Visconti. Magique est la stupeur qui se dévoile de la bouche d'un de ses comédiens. Inconcevable est l'émotion, la tendresse de l'amour mêlée au grave chagrin de la mort, qui pénètre mélancoliquement l'oeuvre du plus grand des cinéastes italiens, et du monde entier. Il s'agit d'abord de diviniser des acteurs, des personnages, il s'agit de chuchoter un mot, de couvrir l'histoire d'un flot de délices dans la mise en scène, d'écarter tout l'immobilisme des décors figés, de placer, comme si le temps ne comptait plus pour autre chose que celui de se soûler d'un peu de bonheur, un lieu, une image, une époque, une émotion, un mot, un baiser, dans un lieu dont les murs sont abolis, décalant aussi les frontières entre plusieurs décors qui viennent à se rejoindre. Il s'agit d'une poésie, d'un vers sublimé, d'une pensée aristocratique et profondément philosophique, autant que d'une scène de bal qui n'en finit pas de rendre ivre. Mouvementé, immobile, silencieux ou bruyant, "Le guépard" respire de tout comme d'une même manière, à la même échelle, gouvernée par la simple idée de l'homme au-dessus de tout. C'est un cinéma intemporel, presque méconnu aujourd'hui et Dieu punisse les misérables qui ne savent considérer encore l'infinie splendeur de cet art si particulier que Visconti a en répandant sa vision de la nature humaine comme s'il nous communiquait la fin des temps. Intemporel car il respire de tout, élargit un regard sur les déchets de l'être humain ou fait bruisser au contraire la marque de son intelligence. Intemporel car, même s'il tranche sur certains points avec vivacité, ce qui ne rendra jamais unanime - et Dieu merci - , "Le guépard" a la force de sa construction comme un de ces grands romans épiques qui vous font partager, avec le goût du verbe et du plaisir, les grandes vies, faites d'amour, de richesse, et de décadence, de trahisons. Il serait d'une bêtise considérable de dire que "Le guépard