Certains long-métrages reposent uniquement sur une idée suffisamment saugrenue pour que le public se demande comment un film entier peut tenir dessus. Ainsi, les spectateurs sont attirés avant tout par une certaine curiosité plus qu’une réelle volonté de voir le film : A quoi est-ce que cela peut ressembler ? Comment ont-ils fait ? Est-ce que le concept tient la route jusqu’à la fin du film ? Parfois, le film n’a que son concept pour lui et n’a aucun autre intérêt ("Open Water", "Des Serpents dans l'Avion", "Buried", "Abraham Lincoln, Chasseur de Vampires", "The Reef") ; et parfois ça donne de jolies petites pépites ("Memento", "Open Window", "Stuck", "Phone Game"). "Orgueil & Préjugés et Zombies" est donc l’un de ces fameux « concept movies » dont l’idée principale (et totalement folle) est de reprendre la trame du best-seller de Jane Austin et d'introduire dans son cadre historique des morts-vivants !! On entre très facilement dans cet univers et ce, dès le générique de début : doté d’une esthétique vraiment sympathique, il nous expose efficacement le contexte uchronique et parvient à créer un background assez crédible qui va opposer la noblesse britannique enfermée dans ses châteaux surprotégés, et la réalité d'une la vie quotidienne placé sous le signe de la menace d’une peste transformant la populace en zombies qui ravage l’Angleterre (ce background est tellement bon qu’il mériterait tout simplement d’être celui d’un jeu de rôle : ça serait une tuerie !!) La suite du métrage va astucieusement jouer sur ce décalage : les nobles cachent moultes armes mortelles sous leurs vêtements onéreux, les discussions familiales se font dans des salles d'entrainements, les jeunes demoiselles pratiquent les arts-martiaux et l'escrime plutôt que la danse ou la musique, les vétérans de guerre n'ont pas affronté les français mais uniquement des zombies...et le fait d’appuyer sur ce décalage nous livre des scènes mémorables ! (
la première fois que les frangines Bennent dévoilent leurs « talents », Liz qui attrape les mouches, la demande en mariage de Darcy…
). Malheureusement, le réalisateur Burr Steers s’est jusqu’ici fait connaître grâce à un genre cinématographique bien particulier ("17 Ans Encore", "Comment se Faire Larguer en 10 Leçons", "Le secret de Charlie"), il n’est donc pas étonnant que le côté romantique du métrage prenne le dessus sur le côté zombiesque…et c’est grand dommage car, même si les combats sont courts mais plutôt bien chorégraphiés, le tout reste très propre en terme de violence et de gore alors que le concept même du film semble avant tout le destiner justement aux amateurs du genre. Le film reste malheureusement trop sage : on reste réellement sur sa faim, d’autant plus quand on sait que d’autres films ont réussi à mélanger gore et humour ("Evil Dead 2", "Bienvenue à Zombiland", "Shawn of the Dead", "Cockney VS Zombies", "Doghouse"). C’est carrément frustrant car plus on avance dans le film, plus la sauce prend et monte et plus on attend une quelconque apothéose à la fin : lorsque le climax arrive, on retombe très vite de notre nuage avec un goût énorme et amer de bâclage dans la bouche…Côté casting, les deux acteurs choisis pour tenir les rôles iconiques d'Elisabeth et de Darcy, Lily James et Sam Riley, s’en sortent avec les honneurs (on en oublierait même qu’au début, c’était Natalie Portman qui était promise au premier rôle !). Autour d’eux nous retrouvons pas mal d’habitués de la télévision qui en profitent pour se faire plaisir et nous livrer une prestation irrésistible : Charles Dance, Matt Smith et la superbe Lena Headey. Adapter le classique de Jane Austin à la sauce zombie aurait rapidement pu tourner au fiasco, mais au final, avec un pitch de base immersif, une mise en scène honnête, un humour plutôt bien dosé et des comédiens qui se font plaisir, "Orgueil & Préjugés & Zombies" s'avère être un petit divertissement assez sympathique : on retrouve à la fois ce qui fait le sel de l'œuvre d'origine ainsi que tous les ingrédients du film de zombies, le tout lié avec suffisamment de sérieux pour que cela paraisse crédible. On regrettera tout de même un manque de jusqu’au boutisme dans le gore et un final qui part un peu en sucette. Une série B qui mérite le coup d’œil…surtout si vous avez toujours rêvé de voir se rencontrer l’univers de George Romero et celui de Madame Bovary !