Si " Pirates " souffre de quelques problèmes narratifs et rythmiques, il n'en reste pas moins un conte cinématographique haut en couleurs dans la droite ligne des premiers films burlesques de Roman Polanski - films où sévissaient déjà, derrière la dérision souvent surréaliste, la lutte de pouvoir, la lâcheté des hommes et la question de la survie.
Surtout, " Pirates " n'est pas un film hollywoodien, au-delà de son refus du manichéisme, de tout lissage propre. Nous voyons ici, à l'image, des hommes glisser plusieurs fois sur de la merde ou dévorant en parfaits cochons du gruau tombé par terre. D'autres se font injecter du vinaigre dans le cul, certains sont fouettés ou obligés de manger du rat cru, ou encore crachent, bavent et pissent dans leur baignoire. Bref, ce long-métrage fait le portrait brut, vrai, d'hommes traités comme des chiens ou se comportant comme tels. Derrière la surface, bouillonnent sans concession des hommes crevant de faim, réduits à l'état d'esclaves, survivants. Une des premières phrases du film est d'ailleurs: " Nous sommes des survivants. "Certains rares critiques l'auront d'ailleurs noté à la sortie du film.
Mais ce que n'a pas réussi Polanski, c'est de tenir le rythme, s'en tenir à cela et à cela seul. Quand le côté aventure romanesque reprend le dessus, quand le côté documentaire dénonciateur sur la dure vie à bord et la fratrie pirate prennent le dessus, le vent de folie mollit, le subtil radeau polanskien se fait lourd galion historicisant, prenant de la gîte et ralentit la course. Hélas, quand le cinéaste lâche le filmage de ces " grains de sable " qui bloquent la machine, c'est le film lui-même qui tourne à la " grosse machine ", comme si les contraintes de la production - ou tout simplement les fantômes d'Hollywood - avaient entravé la fronde polanskienne.