Étincelante. À peine a-t-elle posée les pieds sur la terre anglaise que les flashs crépitent et que le peuple s'agenouille à ses pieds. Marilyn, l'icône du star system américain, vient tourner pour la première fois en Angleterre. Mais, loin derrière les strass et les paillettes se cache Norma, la petite fille blonde qui n'aspire qu'à la simplicité. Partagée entre sex symbol et jeune femme perdue, personne ne la comprend : ni ses fans, aveuglés par son image, ni ses proches, exigeants et dédaigneux. Elle force l'admiration, le respect, mais aussi l'exaspération et l'incompréhension. C'est grâce aux souvenirs, contés par Colin Clark, que nous découvrons tout, ou presque tout. Si la serviette tombe et dévoile Marilyn aussi nue que fragile, les mystères restent présent, les contours ombrés ancrés en elle, et le chemin de la vérité est encore parsemé d'obstacles impérissables.
Nous sommes plongés dans les coulisses du tournage de son prochain film, et nous nous glissons telle une petite souris entre tous ces personnages. Colin est cette souris là, allant et venant de personnage en personnage, de décor en décor, toujours motivé par son admiration incommensurable pour Marilyn, son amour du cinéma, et son désir de bien faire. Sa finesse n'a d'égale que sa pureté de jeune homme respectacle, et son comportement finit par déteindre sur tout le plateau. Lui, le troisième assistant du réalisateur, l'homme à tout faire, qui est censé apprendre au contact de tous ces professionnels, va en réalité donner une leçon d'humanisme à tous. Surtout à Sir Laurence Olivier, cet homme mystérieux, rongé par le temps qui passe et vibrant de ce terrible sentiment d'amour/haine envers Marilyn. Elle représente tout ce qu'il désire, et donc tout ce qui lui manque, sorte de frustration éternelle, aussi douce que cruelle. Son comportement, autoritaire, voire tyranique, n'est motivé que par son professionnalisme si rigide, qu'il déteste lui-même. Marilyn est à l'opposée, ingérable, imprévisible, capable d'enchaîner des prises médiocres avant de faire l'apparition parfaite, ce qui rend tout le monde dingue. Comme le dit si habilement un des personnages :"Dès qu'elle y arrive, on ne voit plus qu'elle."
C'est une étoile filante, ni plus ni moins. Son talent est si rare, si ephémère, si étincelant, qu'il fait d'elle une femme et une actrice unique. Loin de se voir avec des yeux si émerveillés, Marilyn ne cesse de douter. Son souhait de devenir une grande actrice lui insuffle cette pression quasi-constante, qui la transforme en véritable boule de nerf, incapable de bouger, incapable de trouver le repos. Lassée, esseulée, déprimée, elle ne cherche qu'à retrouver ce goût pour la vie, doux et innocent. C'est au contact de Colin qu'elle arrivera à retrouver un semblant de bonheur. À la recherche de la fillette qui sommeille en elle, elle verra en lui la personne capable de la faire retomber en enfance. L'illusion va donc se former, petit à petit, le rêve va finir par prendre vie, faisant d'une femme une enfant et d'un enfant un homme. Au détour d'une journée printanière, passée à se prélasser près d'un lac, les troubles de la vie réelle vont être oubliés, éclipsés par cette magie naissante. Mais rien n'est plus incertain qu'un rêve, et quand il côtoie le cauchemar de si près, il devient difficile d'y voir clair, comme si une poussière incrustée dans l'œil nous empêcherait d'ouvrir pleinement les yeux.
Marilyn se met donc à nue devant le seul homme qui semble capable de la comprendre. Enlever sa serviette sous le regard ébahi de Colin, ce n'est pas offrir son corps, mais son âme. Et elle est ici offerte avec beaucoup de précautions, de délicatesse, comme le film nous la livre avec pudeur et respect. Simon Curtis enveloppe donc tout son long-métrage de ces teintes naturellement brillantes, aussi claires et soyeuses que la chevelure de Marilyn, tout en gardant à l'esprit cette pénombre impénétrable, renfermée dans une chambre, cachée derrière les portes d'un placard. Si l'intimité semble percée, il reste malgré tout des zones d'ombres, des précieuses vérités secrètement dissimulées, qui ne permettent jamais de savoir véritablement qui est cette femme si envoutante.
Le conte de Colin s'en tient à l'ephémère, au rêve devenu réalité, pour de brèves semaines, et au partage entre deux êtres qui avaient beaucoup à s'apporter l'un et l'autre. Porté par un duo d'acteurs concerné et resplendissant, le film s'avère être une ballade appréciable. Malheureusement, le rythme, notamment dans la première partie, est assez inégal, et l'intensité dans les moments sombres a du mal à troubler le spectateur comme cela aurait du être le cas. Un biopic gentillet en somme, comme la prestation d'Emma Watson, assez désuète. Mais malgré tout, il possède des qualités indéniables, dans la légèreté du récit, et dans les prestations des acteurs, qui font de lui un biopic agréable, à défaut de se révéler incontournable, comme on aurait pu l'espérer.