The Master, le dernier film de Paul Thomas Anderson, le jeune prodige du cinéma-auteur américain, m’a laissé le sentiment d’un profond ennui, et pourtant je suis une grande admiratrice de son talent. Je n’ai même pas réussi le voir jusqu’au but, étant partie au bout de deux heures, en quittant une salle quasiment vide, un jeudi soir au Gaumont Parnasse. Mais ce film m’a tout de même apporté des choses : j’ai pu, sans être dérangée par le récit, étudier le découpage, imaginer les emplacements des caméras, les mouvements de travelling, décortiquer le mixage etc…J’avais tout mon temps pour, car ce qui se passait à l’écran, ne m’a embarqué, ni touché, ni accroché. Je suis restée à la porte de l’histoire qu’il a voulu nous raconter Paul Thomas Anderson, si il en avait une bien sûr, et je pense que je n’étais pas la seule, car je pense que Paul Thomas Anderson, lui aussi est passé à côté de son film, malgré l’adulation quasi unanime de la part de tous les critiques de la planète.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai pensé au film inachevée de George Henri Clouzot « L’enfer ». Au somment de son art, doté d’un caractère bien trempé et étant un perfectionniste peu commode, Clouzot obtient tous les moyens qu’il désire pour faire son film, mais il s’imbrique tellement avec lui-même que finit par saboter son propre film. Je me permets de faire un parallèle avec The Master. C’est comme si on s’est préparé dès le départ à produire un chef-œuvre : les procédés techniques laborieux (tournage en 70mm, pour une film presque intimiste ? Ce n’est pas « Laurence d’Arabie »), un casting recherché, un sujet qui aurait pu être pertinent, le décor, les costumes etc…Mais, hélas, la mayonnaise ne prend pas. On s’en merde dès les premières minutes, car tout est sous-dit, sous-entendu, sous-écrit. On glisse à la surface sans jamais comprendre ce qu’on nous raconte finalement. Le rapport du maitre-esclave ? La genèse de croyances occultes ? USA dans les années 50 ? La psychologie d’un gourou ? Comme si le réalisateur nous prenait un peu du haut en disant : « je ne fais pas de gros films, bien lourds où tout est raconté, tout est montré, tout est expliqué, je vous emmène dans le labyrinthe de mes suggestions et débrouillez vous. Bah, on s’est bien fait chier dans vos labyrinthes cher Paul Thomas, ne nous faites plus cela, s’il vous plait.
Le chef-œuvre ça ne s’est commande pas, comme l’amour…
Deux étoiles toute de même pour la photo et les comédiens