Sixième long-métrage d’un réalisateur à la renommée non-négligeable, The Master est sans doute un des chevaux sur lequel auront principalement misé les cinéphiles, pour le début d’année. Six ans après la fresque There Will Be Blood, dont le final s’avérait aussi magistral que le film ennuyant (un de ses rares défauts), c’est une nouvelle épopée psychologique que nous offre Paul Thomas Anderson… L’excellent Joaquin Phoenix prête son visage à Freddie Quell, vétéran de la 2de guerre mondiale. Après s’être battu contre des japonais, l’homme rentre en Californie. Loin d’une quelconque ambition, il ne semble plus trouver de but à sa nouvelle vie, qui se limite à photographier des personnes dans une galerie commerciale tout en s’abreuvant régulièrement d’une potion de sa fabrication. Sa rencontre avec Lancaster Dodd – que son entourage appelle le Maître – va donner un sens à son existence… Comme dans Magnolia ou There Will Be Blood, Paul Thomas Anderson suit le parcours d’un personnage insignifiant. En partant de rien, le réalisateur nous guide vers l’acheminement moral de ce protagoniste. Ses longs-métrages demeurent tout autant des quêtes que des rédemptions. Par le fond narratif sectaire qui occupe la totalité de The Master, les images s’avèrent fascinantes – avec une photographie très épurée qui n’est pas sans évoquer le renouveau que « subit » Freddie au fil des minutes. L’univers mis en place par Anderson confère au film une identité qui lui est indéniablement propre – à l’inverse de Magnolia, par exemple, dont l’idée de destins croisés aura été maintes et maintes fois exploitée – et on suit avec intérêt les aventures de La Cause, cette communauté très étrange qui soigne les maux de l’esprit par des discours abracadabrantesques. Ce dont on se souvient principalement quelques heures après être sorti de la salle, c’est l’intensité des deux interprétations. Cette capacité qu’ont Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman à emporter le film à des sommets d’excitation. Le premier, par son personnage pour le moins imprévisible – parfois drôle, parfois violent –, nous fait régulièrement osciller entre sourire et petites claques inattendues. Par son statut de protagoniste, il est de loin la personne la plus intéressante à suivre tout au long de cette aventure. Cependant, la présence conséquente de Philip Seymour Hoffman, dans ce rôle qui implique une certaine dose de charisme, ne tarde pas à rendre vague l’idée même de qui pourrait finalement être ce fameux protagoniste. Freddie Quell ou Lancaster « Master » Dodd ? Malgré tout, quelques défauts subsistent dans les partis pris de Paul Thomas Anderson, à commencer par l’incertaine mise en place de l’intrigue. Durant la moitié du film, on peut se demander où se situerait l’enjeu de ce The Master. Quel serait son intérêt. Par chance, ce côté narratif légèrement maladroit nous fait attendre impatiemment quelques preuves d’intelligence qui nous feraient alors y voir plus clair dans les intentions du réalisateur. Ainsi, les 2h17 du long-métrage semblent passer bien vite – à condition de bien vouloir rentrer dedans. Aussi, P.T. Anderson parvient de nouveau à laisser une bonne impression post-visionnage, en nous livrant une fin digne d’intérêt et fait réfléchir sur bien des aspects. Sur bien des points, The Master est un objet cinématographique impressionnant. À la fois rencontre majestueuse, entre Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman, et quête spirituelle largement digne d’intérêt, ce ne sont que quelques défauts qui empêchent à l’œuvre d’atteindre le statut si convoité de « grand film ».